parle que des réalités, de ce qui est arriv r ellement, de ce qui s’est pleinement manifesté. Il s’agit évidemment des réalités sacrées, car c’est le sacré qui est le réel par excellence. Rien de ce qui appartient à la sphère du profane ne participe à l’être, puisque le profane n’a pas été fondé ontologiquement par le mythe, il n’a pas de modèle exemplaire. Comme nous le verrons plus bas, le travail agricole est un rite révélé par des dieux ou par les Héros civilisateurs. Aussi constitue-t-il un acte à la fois réel et significatif.
Comparons- e avec le travail agricole dans une société désacralisée : ici, il est devenu un acte profane, justifié uniquement par le prof Religion Txt Premium gy kentkolo vapTa 17, 2015 86 pages Religion ÉLIADE : LE MYTHE Le mythe est donc l’histoire de ce qui s’est passé in illo tempore, le récit de ce que les dieux ou les êtres divins ont fait au commencement du Temps, « Dire » un mythe, c’est proclamer ce qui s’est passé ab origine. Une fois « dit c’est-à-dire révélé, le mythe devient vérité apodictique : il fonde la vérité absolue. ? C’est ainsi parce qu’il est dit que c’est ainsi déclarent les Eskimos Netsilik pour justifier le bien-fondé de leur histoire sacrée Swipe to page et de leurs traditions d’une nouvelle « situ prlmordial. C’est don raconte comment qu dêtre. Voilà pourquo or86 to nextÇEge oclame rapparition événement création » : on Lié, a commencé e l’ontologie : il ne profit économique. On laboure la terre pour l’exploiter, on poursuit la nourriture et le gain. Vidé de symbolisme religieux, le travail agricole devient à la fois « opaque » et exténuant : il ne révèle aucune signiflcation.
Mircéa Éliade, Le Sacré et le Profane, Paris, Gallimard, 1965, coll. Folio essais, p. 5. RICŒUR : DIMENSION MODERNE DU MYTHE On entendra ici par mythe ce que l’histoire des religions y discerne aujourd’hui : non point une fausse explication par le moyen d’images et de fables, mais un récit traditionnel, portant sur des événements arrivés à l’origine des temps et destiné ? fonder l’action rituelle des hommes d’aujourd’hui et de manière générale à instituer toutes les formes d’action et de pensée par lesquelles l’homme se comprend lui-même dans son monde.
Pour nous, modernes, le mythe est seulement mythe parce que nous ne pouvons plus relier ce temps à celui de l’histoire elle que nous l’écrivons selon la méthode critique, ni non plus rattacher les lieux du mythe à l’espace de notre géographie : c’est pourquoi le mythe ne peut plus être explication ; exclure son intention étiologique, c’est le thème de toute nécessaire démythologisation.
Mais en perdant ses prétentions explicatives le mythe révèle sa portée exploratoire et compréhensive, ce que nous appellerons plus loin sa fonction symbolique, c’est-à-dire son pouvoir de découvrir, de dévoiler le lien de l’homme à son sacré. Aussi paradoxal qu’il paraisse, le mythe, ainsi démythologisé au contact e l’histoire scientifique et élevé à la dignité de symbole, est une dimension d OF au contact de l’histoire scientifique et élevé à la dignité de symbole, est une dimension de la pensée moderne. Paul Ricœur, Philosophie de la volonté, Paris, Aubier-Montaigne, 1960, p. 2. R. CAI OIS : LE SACRÉ ET LE PROFANE La « surnature » dont parle Durkheim dicte une division du monde en « sacré » et en « profane Elle impose donc des normes, réservant une partie de l’univers et séparant les usages de la culture en « usage commun » ou profane et en usage sacré, défendu au commun. En polynésien, le contraire de tabou est noa « libre Est noa ce qu’il est loisible d’effectuer sans mettre en question l’ordre du monde, sans déchaîner le malheur et la calamité, ce qui ne comporte aucune conséquence démesurée et irrémédiable.
Au contraire, un acte est tabou, qu’on ne peut accomplir sans porter atteinte à cette ordonnance universelle qui est à la fais celle de la nature et de la société. Chaque transgression dérange l’ordonnance tout entière : la terre risque de ne plus produire de récolte, le bétail d’être frappé de stérilité, les astres de ne plus uivre leurs cours, la maladie et la mort de ravager la contrée.
Le coupable ne met pas seulement sa propre personne en danger, le trouble qu’il a introduit dans le monde fait tache d’huile autour d’elle, et, en gagnant de proche en proche, détraquerait l’ensemble de l’univers, si le mal ne perdait de sa virulence au fur et à mesure de sa diffusion, si surtout des mesures n’étaient pas prévues et aussitôt mises à exécution pour le circonscrire ou le réparer. En résumé, au terme de cette brève descripti mises à exécution pour le circonscrire ou le réparer.
En résumé, au terme de cette brève description préliminaire, le domaine du profane se présente comme celui de l’usage commun, celui des gestes qui ne nécessitent aucune précaution et qui se tiennent dans la marge souvent étroite laissée ? l’homme pour exercer sans contrainte son activité. Le monde du sacré, au contraire, apparaît comme celui du dangereux ou du défendu : l’individu ne peut s’en approcher sans mettre en branle des forces dont il n’est pas le maitre et devant lesquelles sa faiblesse se sent désarmée. R.
Caillois, L’Homme et le Sacré, Gallimard, 1950, p. 2 à p. 25. GEORGES DUMÉZIL : LES DIEUX, PROCURATEURS DES FONCTIONS SOCIALES Georges Dumézil a développé, dans de nombreux et solides travaux, la thèse selon laquelle les trois divinités majeures des Indo-Européens, les cultes et les rites qui s’y rattachent, le vocabulaire même, sont étroitement conjoints aux « trois fonctions » traditionnelles des sociétés indo-européennes : fonction sacerdotale et royale, fonction des défenseurs de la Clté, fonction nourricière (paysans, artisans).
L’on aurait alors un vaste « système fonctionnel modèle de toutes les sociétés ndo-européennes où se retrouve plus ou moins nettement une subdivision sociale sinon en trois castes (plus les « hors-castes ») du moins en trois « ordres » : prêtres-juges, chevaliers-nobles, tra- vailleurs manuels, ou encore, dans un vocabulaire plus moderne : le parti, Parmée, les travailleurs. (cf. infra, Ille partie, Ill, 3) Il n’en est pas moins vrai que le système l’armée, les travailleurs. cf. infra, Ille partie, Ill, 3) Il n’en est pas moins vrai que le système des trois fonctions assurées par ces trois groupes est un des cadres ordinaires dans lesquels les auteurs des hymnes védiques pensent toutes sortes e choses : leurs prières et la destination ou le mode d’efficacité de ces prières, les manifestations de certains dieux complexes comme Agni (le Feu) et surtout la classification de leurs principaux groupes de dieux ou même de leurs principaux dieux personnels.
Ces fonctions sont : 10 L’administration à la fois mystérieuse et régulière du monde ; 20 Le jeu de la vigueur physique, de la force, principalement mais non uniquement guerrière ; 3′ La fécondité, avec beaucoup de conséquences et de résonances, telles que la prospérité, la santé, la longue vie, la tranquillité, la volupté, e « nombre Les poètes sacrés mettent déjà ces fonctions en rapport avec d’autres triades, notamment avec la division topographique du monde en ciel (peut-être plutôt « enveloppe » du monde), atmosphère, terre.
La division si ordinaire des dieux, avec ou sans résidu, en trois groupes nommés les Âdityé, les Rudra les Vésu, est de ce type ; et aussi celles, très fréquentes et équivalentes, où le second terme est simplement remplacé par les Marüt, notion presque synonyme de Rudra et collective comme elle ; et encore celles où l’un des trois termes surtout le second ou le troisième, est emplacé par un ou plusieurs noms de dieux individuels de même valeur (Indra seul ou avec un associé pour le second terme ; les deux jume PAGF s OF individuels de même valeur (IndrS seul ou avec un associé pour le second terme ; les deux jumeaux Asvin pour le troisième) : TABLEAU I l. Les ÂDITYA Variante : Les ÂDITYA Les ADITYA Il. Les RUDRA Les MARÜT ou INDRA Les RUDRA Ill. Les VASIJ Les VASI_J Les 2 ASVIN Il est aisé de vérifier que ces trois groupes de dieux se définissent par les trois fonctions : Les Âdityé sont ce qu’Abel Bergaigne a appelé d’un mot heureux es « dieux souverains projections célestes, cosmiques du personnel humain de la souveraineté, rois, prêtres, ministres.
Les Rudra, les Marüt sont la projection atmosphérique, avec référence à la bataille qu’est l’orage, des bandes de jeunes guerriers, des mârya, à la fois nécessaires et redoutables, utiles et excessifs, qui ont joué un grand rôle dans l’expansion des Arya. Les Visu sont plus difficiles à définir en eux-mêmes ; mais, dans cet ensemble triparti, et par le fait qu’ils y cèdent parfols leur place aux Asvin, donneurs de richesse comme de santé, on voit ien que leur nom, au masculin, rejoint l’emploi qui est dominant au neutre pluriel, où vésü (vésu), vésuni signifie les « biens matériels » ; et cette valeur du thème vasu est très ancienne, puisqu’elle fournit l’expres PAGF 6 OF rurale. Si l’on a bien compris les éléments et les articulations de cette structure tripartite, il me paraît impossible de ne pas la reconnaître dans les paganismes germaniques.
Les frontières des fonctions y sont simplement, parfois, un peu déplacées. Transportons-nous maintenant vers une matière romaine bien connue, et déchargeons-la des monceaux d’interprétations et de iscussions qui ont été jetés sur elle, et souvent par de grands savants, mais des savants qui ne disposaient pas des éléments comparatifs que fournissent Flnde védique et la Scandinavie païenne, c’est-à-dire deux sociétés dont la composante indo- européenne est certaine et entre lesquelles nous venons de noter un remarquable accord. Cette matière, c’est ce que nous touchons de plus ancien dans la théologie de Rome : la triade des dieux hiérarchisés qui ont ? leur service un flamine majeur.
Aussi haut que nous remontions, nous observons en effet, en tête de tout le corps sacerdotal, ne édant le pas qu’au seul rex, trois flamines majores, attachés l’un à Jupiter, le second, inférieur, à Mars, le troisième et dernier à Quirinus. L’existence de cette triade comme triade, avec ses éléments ajustés, a été contestée et le sera encore, elle n’en est pas moins certaine. Elle est d’ailleurs confirmée par l’existence, chez d’autres Italiotes, chez les Ombriens d’Iguvium, d’une triade parallèle, celle des dieux « Grabovii dont les deux premiers termes sont les mêmes et dont le troisième est un synonyme du Quirinus de Rome : Jupiter, Mars, Vofionus.
Ces trois dieux, donc, cons OF un synonyme du Quirinus de Rome : Jupiter, Mars, Vofionus. Ces trois dieux, donc, considérons-les tels qu’ils se présentent ici, c’est-à-dire non pas isolés, mais en système, solidaires. Fermant les oreilles aux spéculations plus ou moins hardies des écoles modernes, prenons-les comme les Romains les prenaient dans leur vie publique upiter, dieu céleste, dieu du dium, est le protecteur et le guide de l’État, le garant de la grandeur et du salut de la ville, tant par les premiers auspicia qu’il a donnés à Romulus que par ceux qu’il délivre constamment à tous les chefs légitimes de Rome, rois et magistrats héritiers des rois.
Dieu du roi, le Jupiter Stator, le Jupiter Feretrius de la légende romuléenne donne la victoire non pas par une intervention directe Oupiter ne combat jamais), mais par une décision souveraine, immédiatement et comme physiquement traduite dans les faits, jetant notamment la panique sur l’armée ennemie qui se croyait victorieuse. Mais Jupiter est aussi le dieu du droit, des serments, des traités ; seulement, dans cette fonction, il parait s’être substitué, incomplètement d’ailleurs, à un dieu spécialiste très voisin et de même niveau, presque homonyme, Dius Fidius, répondant asculin de l’abstraction féminine Fides, et dont le flamen dialis (non Jovius), au statut si exigeant, parait être le prêtre propre.
Bref, en tête de la hiérarchie, avec ce Dius et avec ce Jupiter, avec ce dieu juriste et ce dieu des grandes actions libres, nous avons l’équivalent du couple Mitra-Varuna 20 Mars… Que de susceptibilités éveille ce seul 8 OF nous avons Péquivalent du couple Mitra-Varuna. 20 Mars… Que de susceptibilités éveille ce seul nom ! À peine ose-t-on le définir : « Mars, dieu de la force physique, dépensée notamment dans la guerre. » Il est pourtant bien cela. Le Mars de Virgile et de Lucrèce comme déjà celui de Plaute, comme celui des plus vieilles inscriptions, de toutes les inscriptions, le Mars italique comme le Mars du Latium et de Rome, est ce Mars traditionnel.
Mais ce dossier de combattant qui est énorme, d’une prédominance écrasante, on le met audacieusement en balance, pour créer le mirage d’un « Mars agraire » ou d’un Mars primitivement indifférencié, avec trois ou quatre textes — trois ou quatre contre des milliers ! — où le dieu est associé, en effet, à des préoccupations agraires, comme le sont aussi, de façon ême plus marquée, les dieux homologues Indra ou >ôrr. Mais, dans ces quelques contextes même, il faut regarder de plus près ce que les hommes attendent de lui, ce qu’ils lui demandent. Le Mars du chant des Arvales (satur fur fere Mars ! lui disent les prêtres, et ils le prient de ne pas permettre aux fléaux, lues rues, d’incurrere in pleores), le Mars que le paysan de Caton invoque dans la lustratio agri (De agricult. 141), est, uniquement dans un cas, avant tout dans l’autre, le dieu violent, vigilant, éventuellement combattant, que nous connalssons par ailleurs : n s’adresse à lui soit pour qu’il cesse justement d’être violent, soit pour qu’il empêche les calamités de se déchaîner, montant comme une bonne sentinelle la garde autour du champ, « tenant PAGF q OF calamités de se déchaîner, montant comme une bonne sentinelle la garde autour du champ, « tenant à distance, repoussant ou rejetant » (prohibere, defendere, averruncare), les ennemis visibles ou Invisibles des fruits de la terre. Voilà le rôle de Mars : par sa force, par son attitude et son caractère ordinaires, il est appelé à défendre l’agriculteur avec ses champs et ses bêtes omme, dans d’autres lustrations de même style, on le prie de défendre la Ville ou le peuple, ou l’ager Romanus, ou l’armée. Dans un autre chapitre de Caton, il est invoqué pro bubus, uti valeant.
Il n’y a rien là d’embarrassant : ce n’est pas pour le petit bétail, ce n’est pas pour le lait ou la laine ou la chair des brebis qu’il est invoqué, mais différentiellement pro bubus, pour l’animal dont la qualité essentielle est d’être fort afin de coopérer avec l’homme dans les durs travaux des champs, dans ces hominum boumque labores dont parle Virgile : à qui, sinon u dieu physiquement fort, demandera-t-on pour le bœuf la force physique ? Enfin, quatrième et dernier argument, une notice de Festus- Paulus (s. v. panibus) indique qu’une des intentions du rituel barbare de l’october equus, fête martiale, était Ob frugum eventum ; l’indication est trop courte pour qu’on se fasse une idée du degré d’intervention et du mode d’action de Mars dans cet eventus agraire ; qu’on les suppose d’ailleurs aussi larges qu’on voudra, on ne détruira pas le caractère de compétition brutale, sanglante, entre deux quartiers, que présente clairement et avant tout la cérémonie, ni la forme et le sen