Etude linguistique et stylistique dans le chapitre 25 de « Vie de Henry Brulard » de Stendhal

Séminaire de licence: Linguistique textuelle professeur: Jacques Dürrenmatt lieu: Université de Poitiers, séction langues-littératures 1997/98 or 10 Sni* to View Thème: Etude linguistique et stylistique de la parenthèse et de I’ italique dans le chapitre 25 de « Vie de Henry Brulard» de Stendhal ouvre la parenthèse, la phrase demande un signe de ponctuation, celui-ci se place une fois la parenthèse fermée. »3 « Ce signe est avant tout un trait qui coupe et scinde; c’ est de loin le signe le plus fréquent dans VHB pour introduire une répétition ou une reformulation»4

Les parenthèses peuvent être placées à la fin, on parle alors de « parenthèses accolées après-coup»5 ou bien au sein de la phrase, elles s’ appellent donc «parenthèses encloses dans le droit fil du texte»6 b) raisons pour l’ emploi dans le chapitre 25 de la «Vie de Henry Brulard» je classe les parenthèses dans le chapitre 25 en trois groupes: compléments, réflexions métalinguistiques ou a posteriori, digression. 1 . ompléments « (pauvre d’ esprit, mort fou quelques années plus : Lorsque on lit cette parenthèse, on sourit puisqu’ on a l’ impression que l’ appréciation «pauvre d’ esprit» aurait rendu et homme fou, et présenterait la cause de la mort. Stendhal porte un jugement sur Ga 10 une supposition comme l’ indique le «je pense», sur son grand-père. En même temps le présent «je pense» montre qu’ il s’agit d’ un commentaire, d’ une réflexion qui lui est venue à l’ esprlt en rédigeant son manuscrit. ?(le drame noir et triste s’ appuyant sur le manque d’ argent m’ a toujours fait horreur comme bourgeois et trop vrai, mon c. aussi est dans la nature, disait Préville à un auteur)»1 6: Stendhal nous donne une explication à son choix pour le drame eu noir, «une précision lexicale»17 au terme drame noir/ peu noir, il nous fait un aveu sur ce qui l’ a rebuté pendant sa vie. «Ouvrir une parenthèse dans une autoblographie, c’est glisser une confidence dans un récit déjà confidentiel, cultiver une intimité au second degré»18.

La deuxième partie de la parenthèse sert à renforcer la première: Ce bon artiste doit laisser de côté ce qui est trop cru, trop matériel comme le ce qui est «trop vrai». « (je vois aujourd’ hui qu’ il avait la véritable insouciance d’ un pauvre diable qul n’ a que de tristes pensées à la maison, et qui se ivre à son rôle avec 9: Cette fois, la parenthèse sert à insérer une remarque sur le passé, dont la réflexion est le résultat d’ expériences qu’ il a fait jusqu’ à présent.

La parenthèse « crée plusieurs plans temporels»20, puisqu’ elle est une réflexion lors du processus d’ écriture, elle obtient ainsi «une valeur actualisante»21. «{mais je vois de Rome, à clnquante-deux ans)»22: De nouveau la parenthèse s’ écarte temporellement du discours véritable : seulement maintenant, à cet endroit et à cet âge, Stendhal se rend compte qu’ il avait déjà le goût de la musique a ndroit et à cet âge, Stendhal se rend compte qu’ il avait déjà le goût de la musique avant d’ entendre l’ opéra le Traité nul et donne quelques exemples. ?(même avant L’ auteur parle d’ un de ses traits de caractère, la parenthèse est, du point de vue de la teneur, superflue, elle confirme que Stendhal n’ a pas du tout changé au cours des années et la preuve en est qu’ apparemment la même scene s’ est reproduite il y a deux jours. 3. digression «(à mes yeux elle est un pamphlet satirique contre la bonne, par exemple [.. l. Les Italiens bien différents de moi, ne peuvent plus ouffrir une musique dès qu’ elle a plus de cinq où six ans. L’ un d’ eux disait devant moi chez madame 1 20: « Une musique qui a plus d’ un an peut-elle être belle ? ?)24: Il s’ agit ici indéniablement d’ une des plus longues parenthèses! D’ abord, Stendhal donne une explication à son jugement avec des exemples, puis il digresse sur les Italiens en deux nouvelles phrases autonomes et cite comme preuve ce qu’ il a entendu. « Inéluctablement, la parenthèse s’ arroge un rôle décisif au point de supplanter l’ énonce en cours de répudier tout lien avec lui, et de se transformer en die me. »25 La parenthèse se vénitien Alde Manuce. »27 C’ est pour cela qu’ «on les appelle aussi lettres vénitiennes, lettres aldines. »28 «C’ est Simon de Colines qui le premier s’ en est servi en France. ?29 b) fonctions L’ italique est un soulignement auquel «un lecteur scrupuleux est bien obligé de prêter attention. »30 D’ abord, il accomplit une fonction plus ou moins simple : se faire remarquer afin que le lecteur lui accorde un intérêt: «ll arrive que les auteurs, attachant à certains mots une importance particulière, pensent, en les soulignant, les recommander ? l’ attention spéciale des lecteurs»31 Il sert à indiquer qu’ il s’ agit d’ un nom propre ou d’ un terme dans une autre langue qui perdrait sa puissance d’ expression si l’ on le traduisait. italique s’ utilise afin d’ indiquer une ironie32, une étrangeté33 quelconque, par exemple l’ emploi d’ un mot que l’ on n’ utiliserait pas s’ il n’ était pas écrit en italique, en plus un statut ambigu ou même afin de remettre en cause le sens usue134. Il peut exprimer des mots techniques ou familiers, des néologismes ou des provincialismes : «si les vocabulaires techniques ou spéciaux ont acquis droit de cité dans la langue des omans, ils font tout de même figure un peu de parvenus qu’ il convient d’ excuser. ?35 Il est possible que l’ italique «si nale un renversement de la valeur attachée au terme»36, c’ e n terme positif devient PAGF 10 c) fonctions dans le chapitre 25 de la «Vie de Henry Brulard»39 Quatorze des italiques sont des noms propres. Cinq ont directement quelque chose à voir avec Mademoiselle Kubly, ce sont tous des pièces dans lesquelles elle chante « Claudine et Florian»40, une comédie de Pigault-Lebrun, «Le Traité Nul»41, un opéra de Gaveaux, c’ est ici que s’ initie son engouement pour la musique. ?? ‘ Épreuve villageoise»42, œuvre de Grétry, «Raoul, sire de CréquiA3, comédie de Monvel. Les autres italiques sont à examiner de plus près. « la connaissance du cœUr humain»44 : Il faut examiner cet italique dans le contexte: «Mon grand-père m’ étourdissait sans cesse du grand-mot : la connaissance du cœur humain. Mais que pouvais-je savoir sur ce cœur humain ? Le grand-père avait sûrement emprunté ce terme à un livre, pour Stendhal il est une personne envers laquelle il éprouve de la confiance, c’ est le seul de sa famille qui le forme et le guide émotionnellement.

Avec lui, Stendhal a le sentiment u’ une personne du monde des adultes s’ intéresse vraiment à lui, contrairement à son père. Beyle remarque que pour son grand-père il y a quelque chose là-dessous qui dépasse son imagination et sa sensibilité de ce qu’ il a vécu jusqu’ à présent. Cherchant en permanence son moi émotionnel, il pense que cet énoncé pourrait lui être révélateur, par surcroît il a sûrement été prononcé avec emphase. Wagner écrit: «[.. quelques mots dont rien justifie la mise en relief sinon le fait qu’ en les soulignant, le romancier risquait un aveu sur sa propre sensibilité, sur un ouvement naturel de son âme ou sur un des thèmes habituels de sa réflex 6 0 propre sensibilité, sur un mouvement naturel de son âme ou sur un des thèmes habituels de sa réflexion. »46 «la KublyA7 : «Si quelqu’un disait la Kubly au lieu de Mademoiselle Kubly, j’ éprouvais un sentiment de haine et d’ horreur que j’ étais ? peine maître de contenir. ?48 Dans la langue française, I’ article placé devant un nom d’ une personne signifie sauvent une familiarité. De nouveau, une immense émotion se localise derrière cet italique : son amour envers Mademoiselle Kubly. Ici, Stendhal avoue qu’ il ne peut pas upporter qu’ un autre homme soit si proche de celle dont il est éperdument amoureux. L ‘ italique souligne son extrême engouement «comique»49: Stendhal vient de voir pour la première fois une comédie. De nouveau il s’ agit d’ une notion dont sa pensée n’ a pas encore entièrement saisi la nature.

Le terme est aussi pris dans le sens technique, le sens de la comedie classique. A partir du XIXième siècle «comique» est aussi utilisé pour tout ce qui est drôle. Stendhal semble avoir cherché les moments drôles dans la comédie. «je pris la fuite»SO: L’ auteur met le doigt sur un comportement hors de la norme . n principe, lorsqu’on est épris, on ne fuit pas devant la personne dont on rêve, Stendhal s’ est comporté comme un enfant ne voulant être vu et en est gêné.

Lors d’ écrire son autobiographie, il est à même de tenir compte de son comportement avec distance, l’ italique met en valeur sa force de passion qui est encore valable aujourd’ hui. «bien luste»51: 7 0 aujourd’ hui. «bien juste»51: Stendhal est toujours à la recherche du vrai52, de nouveau l’ italique indique la subjectivité, le bien donne encore plus d’ insistance au mot juste . Il témoigne de son désir d’ aller au lus profond de lui même. cet amas excessif de je et de moi ? »53 : Stendhal se rabaisse en employant l’ hyperbole «amas excessif », cela dévalue les termes je et moi afin de s’ excuser auprès du lecteur.

Il fait preuve de recul par rapport à lui-même, se sentant presque gêné de parler de lui. «puant»54: C’ est un mot familier. Il s’ agit d’ une autocritique. «comme les Confessions de Rousseau»55: Stendhal critique Rousseau en comparant ses accumulations de je et de moi à celles de ce dernier d’ une façon prudente avec l’ emploi du «oserais-je»56, ayant peur de perdre l’ estime du ecteur, et pour cette raison on ne saisit pas systématiquement s’ il fait preuve d’ ironie ou de sérieux en parlant du «chef-d’ œuvre de ce grand écrivain»57. les thèmes suivants : six renvoient au groupe «je vais naître, trouver le moi» (la connaissance du cœur humain, cœur humain, je pris la fuite, cet amas excessif de je et de moi, et au sens plus large du terme aussi puant, comme les Confessions de Rousseau), deux au «vrai» (comique, bien juste), et cinq ? «amour, Mademoiselle Kubly» (la Kubly, je pris la fuite, bien juste et indirectement aussi la connaissance du cœur humain, cœUr humain). Dans trois cas les thèmes se recoupent. Je constate que tous les italiques ont été placés par pur volonté de l’ auteur et non par contrainte.

Par conséquent, ce soulignement démontre que l’ auteur a voulu communiquer ainsi au lecteur son émotion qui se cache ou se manifeste par les itallques, et la particularité que ces termes mis en relief représentent pour lui. «Souligner les mots, les phrases, les marquer, c’ est leur redonner du poids, les forcer à donner lieu à l’ émotion Si l’ on regarde de près les mats écrits en italique chez Stendhal, il s’ avère que de ces 26 mots soulignés, 14 sont des mots propres. Huit italiques ont un rapport direct avec Mademoiselle Kubly, le thème prédominant du chapitre.

Ce soulignement sert alors à indiquer P attachement au thème de la Kubly. Comme l’ écrit Serodes: «partant le soulignement devient le moyen le plus économique pour identifier les mentions de message disséminées dans le texte et prélever tous les mots symptomatiques proférés. »60 Bibliographie Stendhal: Vie de Henry Brulard, folio classique, Editions Gallimard 1973, pp 238-246. Drillon, Jacques: Traité de française, Gallimard Drillon, Jacques: Traité de la ponctuation française, Gallimard 1991, p 256-275. Dürrenmatt, Jacques: Des italiques dans «La chartreuse de Parmes».

Dans: Champs du signe (Concours 1997), Toulouse, P. U. M. 1996, pp 105-114. La Grande Encyclopédie des Sciences des Lettres et des Arts, Torne 20, paris Gibs, Sylvvia: Les fonctions de la parenthèse dans «Nadja» d’ André Breton. Dans Melanges, Albouy: Recherches en sciences des textes, Presses Universitaires de Grenoble 1 977, pp 181-188. Larousse: Dictionnaire de linguistique, Librairie Larousse 1973, p 384 Laugaa, M. : Théories de l’ italique. Dans Melanges, Albouy: Recherches en sciences des textes, Presses Universitaires de Grenoble 1977, pp 195-200.

Serodes, Serge: Stendhal et l’ art de la parenthèse. Dans: Stendhal, le sain-simonisme et les industiels, Stendhal et la Belgique, Éditions de l’ LJniversité de Bruxelles 1979, pp 181-189. Serodes, Serge: La parenthèse instable. Dans: Les manuscrits autobiographiques de Stendhal, Librairie Droz 1993, pp 263-273. Serodes, Serge: Le soulignement. Dans: Les manuscrits autobiographiques de Stendhal, Librairie Droz 1993, pp 249-261. Thomas, Edwige: Le miroir allègrement brisé ou des récritures dans la Vie de Henry Brulard DEA al_ittératures et Langage», Université de Poitiers 199 11)