La religion à l’hôpital

La religion à l’hôpital Organisation et gestion des établissements de santé INTRODUCTION : Comme l’a affirmé Henri Pena-Ruiz, « Certains hommes croient en un dieu. D’autres en plusieurs. D’autres se tiennent pour agnostiques et refusent de se prononcer. D’autres enfin sont athées. Tous ont à vivre ensemble. Et cette vie commune, depuis la première Déclaration des droits de l’homme, doit assurer à tous à la fois la liberté de conscience et l’égalité de droits D.

Cette réflexion amène logi croyances religieuses nécessaire respect d Sni* to Il faut rappeler que l’ historiquement très on entre les de santé est religion. En effet, initialement, l’EgIise catholique s’occupait de la médecine puisque la maladie était considérée comme une punition infligée aux individus ayant commis des pêchers. L’Eglise a fondé la quasi-totalité des anciennes universités, permettant ainsi le développement des connalssances médicales, et réglementé l’exercice de la déontologie médicale.

Cest également l’Eglise qui a créé les premiers hôpitaux, en application de la charité chrétienne, parmi lesquels on retrouvait notamment les Hôtels Dieu et maladreries qui étaient estinés à enfermer les malades, les indigents, les aliénés et les vieillards afin de les mettre à l’écart de la société. Aussi les médecins étaient ils sous la coupe de l’extrêmeonction, sous peine de sanction.

Progressivement, ces établissements se sont destinés aux soins, avec le principe de laïcité, sans s’opposer aux pratiques religieuses, en respectant le principe d’égalité entre les patients, quels que soient leur religion ou leur sexe. Cependant, l’évolution a marqué un éloignement, voire un rejet entre la religion et la médecine. La sécularisation du système de santé a en effet odifié cette situation initiale. Ses prémices sont intervenus très tôt, depuis la laïcisation du personnel médical et universitaire-médical dès le Moyen-âge, en passant par la création des hôpitaux généraux par ouis XIV en 1656.

Cest ainsi qu’ont eut lieu notamment la laïcisation des lieux et la sécularisation des personnels hospitaliers. La révolution française est par la suite entrée en conflit avec la religion. Elle a fait de la médecine le fondement légitimateur, de façon laïque, du pouvoir politique qui était auparavant légltlmé par la religion. Aussi, sont nationalisés les couvents, ?glises et séminaires pour y installer des médecins, hôpitaux, orphelinats, écoles de médecine.

Néanmoins, cette évolution n’a pas eu lieu sans une certaine opposition de l’Église puisqu’? cette époque, « l’exercice illégal de la médecine » est principalement le fait de membres du Clergé ou de religieuses. Le XIXème siècle français sera considéré comme celui de la laitisation de la médecine, bien que celle-ci ne s’achèvera que plus tard. Le grand tournant a assurément été la laïcisation de l’Etat par la République en 1905. La loi du 9 décembre 1905 met en place une conciliation, un ompromis historique. La reli ion devient PAGF 3 du g décembre 1905 met en place une conciliation, un compromis historique.

La religion devient désormais une affaire privée. Ainsi, celle-ci ne doit pas porter atteinte au fonctionnement du service de soins ou aux choix thérapeutiques. En ce début de siècle, la mort sera davantage considérée comme la fin de vie et non comme le passage à « l’au del? Par conséquent, on a assisté à la neutralisation des croyances au sein des établissements publics de santé et ces croyances ont été occultées dans la relation médicale. Cela a néanmoins pu mener à la montée de réflexes identitaires tels que la désacralisation de la parole médicale. De nos jours, la religion a-t-elle sa place à l’hôpital ?

En réalité, la neutralité religieuse qui s’impose suit trois lignes directrices : l’interdiction des discriminations religieuses, la neutralisation des convictions religieuses, la prise en considération des croyances religieuses. Celles-ci « coexistent comme autant de manières de pratiquer la neutralité rellgieuse dans les services publics de santé pour assurer ces trois objectifs, l’hôpital se doit à la fois d’établir es conciliations entre le professionnel de santé et le patient qui peuvent avoir des convictions différentes (l) tout en préservant le respect de la liberté religieuse de chacun (Il). / L’hôpital, un lieu de conciliations entre le praticien et le malade A l’hôpital, il est apparu comme nécessaire de neutraliser au maximum les convictions religieuses du personnel, tout en les respectant, afin de faciliter l’établissement de la relation médicale (A).

La relation médicale subit néanmoins les conséquences des croyan PAGF 33 relation conséquences des croyances des patients uisque celles-ci peuvent influer sur l’acte de soins lui-même A) La nécessaire neutralisation des convictions religieuses du personnel D’une manière générale, la loi invite à faire abstraction des convictions religieuses du personnel hospitalier (1 Celui-ci trouve néanmoins ses croyances respectées dans la possibilité qu’il a d’utiliser la clause de conscience (2). – La mise de côté des croyances religieuses des agents Le principe de laiCité implique la neutralité des agents. La neutralisation des convictions religieuses des agents prend la forme dune exclusion complète de leurs convictions dans leurs onctions. La laïcité est une des dimensions de la neutralité de l’Etat et de l’action administrative. Un lien certain existe entre ces deux principes mais ceux-ci ne se manifestent pas au même niveau.

La laïcité est en effet « fondamentalement liée à la nature républicaine de l’Etat » et elle est consacrée dans les textes constitutionnels, que ce soit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1 789 ou encore la constitution. L’exigence de neutralité de l’État, quant à elle, dérive des principes fondamentaux de l’action administrative. Le service public doit poursuivre une inalité d’intérêt général et non la satisfaction d’un quelconque particularisme.

Cest pourquoi son organisation et son fonctionnement ne doivent subir l’influence d’aucune croyance, conviction ou opinion partisane. Ce principe impose ainsi aux agents hospitaliers de s’abstenir et de garder le silence tout en restant impassibles et in 3 agents hospitaliers de s’abstenir et de garder le silence tout en restant impassibles et indifférents face aux manifestations confessionnelles, quelles qu’elles soient. La neutralité du service public est donc une véritable obligation pour les agents.

Néanmoins, es agents bénéficient de la liberté de conscience et donc de culte affirmée par les textes et protégée par les juges. Ce sont en effet des citoyens comme les autres. Cela justifie qu’ils ne sauraient faire l’objet de mesures de rétorsion ou de discrimination. Ils peuvent par conséquent déclarer à leur hiérarchie leur appartenance et demander par exemple des autorisations d’absence lors de certaines fêtes, dans la mesure toutefois où elles sont compatibles avec les contraintes du service et dès lors qu’elles interviennent un jour travaillé.

Une circulaire nagl du 23 septembre 1967 rappelle notamment « ue les chefs de service peuvent accorder aux agents qui désirent participer aux cérémonies celébrées à l’occasion des principales fêtes propres à leur confession les autorisations d’absence nécessaire une circulaire précise chaque année les dates des fêtes qui peuvent donner lieu à autorisations d’absence. Pour ce qui est de l’année 2013, la circulaire du 10 février 2012 a été prolongée.

Elle cite en outre les fêtes catholiques et protestantes qui sont « prises en compte au titre du calendrier des fêtes légales trois fêtes orthodoxes, trols fêtes arméniennes, trois êtes musulmanes, trois fêtes juives et une fête bouddhiste. Ce texte édicte néanmoins une tolérance plus qu’un droit. Il renvoie à une faculté et non ? une obligation. Le danger les confes PAGF s 3 qu’un droit. Il renvoie à une faculté et non ? une obligation.

Le danger est aussi que les confessions considérées comme des sectes par la MIVILUDES (Misslon interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) s’estiment victimes dune discrimination car elles ne sont pas citées. Dans tous les cas, l’essentiel est que les croyances et les pratiques demeurent ransparentes au service, sans incidence sur l’exercice des fonctions. Ainsi, la « neutralisation des convictions » conduit à interdire tout comportement ou propos révelateur de l’adhéslon à une croyance particulière ou d’une volonté de prosélytisme.

Tout manquement à cette obligation pourra donner lieu à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à la révocation, avec l’aval du juge administratif. Cette obligation de neutralité posée par la jurisprudence (CE, 3 mai 1950, Delle Jamet) a été explicitée par le Conseil d’Etat dans l’avis du 3 mai 2000, Delle Marteaux dans lequel il appelle que « le fait pour un agent de manifester dans l’exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations ».

Celle-ci a sanctionnée en 2002 par le Tribunal administratif de Paris dans le domaine sanitaire et social (TA Paris, 17 octobre 2002, Mme Ebrahimian). Le juge souligne d’ailleurs ? cette occasion que ce principe, qui vise à protéger les usagers de tout risque d’influence ou d’atteinte à leur propre liberté de conscience, s’applique avec une « rigueur articulière dans les sepu’ices publics dont les usaeers s at de fragilit une « rigueur particulière dans les services publics dont les usagers sont dans un état de fragilité où de dépendance », ce qui est le cas de l’hôpital.

Les obligations qui en découlent se trouvent désormais dans la circulaire de 2005 et elles sont affichées dans les lieux de soins. Le but est qu’elles soient connues de tous. Toutefois, un tempérament de taille a été prévu concernant la neutralité du personnel hospitalier puisque celui-ci a la possibilité d’utiliser la clause de conscience dans certaines ituations. – La clause de réserve ou de conscience Le Conseil National de l’ordre des médecins définit cette clause de conscience comme « le droit [pour un praticien] de refuser la réalisation d’un acte médical pourtant autorisé par la loi mais qu’il estimerait contraire à ses propres convictions personnelles, professionnelles ou éthiques Cette faculté trouve plusieurs fondements.

Tout d’abord, l’article IO de la décla ation des droits de Phomme et du citoyen de 1789 proclame que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne rouble pas l’ordre public établi par la loi De plus, le préambule de la Constitution de 1946 indique que « nul ne peut être lésé dans son travail ou dans son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances Enfin, ce principe était déjà édicté dans l’article 18 du Code de Cette clause de conscience figure désormais expressément ? l’article L 2218-8 du Code de la santé publique.

La possibil ser au motif de ce PAGF 7 3 récuser au motif de ce principe a été accordée pour la première fois, et sous condition, au médecin par la 101 Veil du 17 janvier 975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, loi spéciale qul autorlse un praticien ? refuser de pratiquer des IVG ou d’y participer. Cet article n’exige aucune explication de ce refus. Le médecin a par conséquent la faculté d’évoquer la clause de conscience.

Celle-ci lui permet de refuser d’exécuter tout acte médical qui ne serait pas conforme à sa conscience ou a ses valeurs morales sans encourir de sanctions, sous réserve des dispositions de l’article L. 1 110-3 du Code de la santé publique. De même, un établissement de santé a la faculté de s’opposer ? ce que cet acte soit pratiqué ans ses locaux, sauf dans l’hypothèse où il participe à l’exécution du service public ou a conclu un contrat de concession et qu’aucun autre établissement n’est en mesure de répondre a ce besoin.

Ainsi, l’hôpital ne fait pas partie des établissements qui ont cette faculté. Néanmoins, il existe une limite à cette clause de conscience : certains établissements, notamment les hôpitaux publics, sont tenus de se doter de moyens permettant la pratique correcte des interruptions volontaires de grossesse. Cest ce qui découle de la décision CE, 29 mai 1985, Union syndicale des professions de santé respectant la vie umaine. D’une manière plus générale, cette possibilité pour le praticien de refuser des soins est limitée en fonction de l’état de gravité du patient.

En effet, l’article R. 4121 -9 du Code de la santé publique indique que le médecin est tenu de porter secours ? toute personne en péril. A défaut il PAGF 8 3 indique que le médecin est tenu de porter secours à toute personne en péril. A défaut, il sera pénalement sanctionné pour entrave aux mesures d’assistance et omission de porter secours. Le péril s’entend d’un danger pour la vie ou la santé d’un être humain. Cest le cas lorsque la personne isque soit de perdre la vie, soit de subir des atteintes corporelles graves.

Le délit est constitué dès lors que le médecin dont le concours est demandé ne pouvait se méprendre sur la gravité du péril auquel se trouvait exposée la personne et qu’il s’est volontairement abstenu de porter secours. Toutefois, l’obllgatlon du médecin de porter secours au malade trouve une limite dans la notion d’urgence qui guide l’intervention. Le refus de soins peut donc être le fait des soignants, même si ce n’est pas Ihypothèse qui s’impose dès l’abord.

Leur obligation première est certes de donner des soins, obligation onsubstantielle à l’activité médicale. A cet égard, le Code de la santé publique, comme la déontologie médicale, prohibe depuis longtemps toute prise en compte des convictions religieuses des malades (articles 1_. 1110-3 et RAI 47-7). Mais au delà leur est reconnue, au nom de leur liberté individuelle, la faculté de refuser tout acte qui irait à l’encontre de leur conscience ou de valeurs morales, sans encourir de sanctions.

Cette faculté trouve son fondement juridique dans la loi – pour des hypothèses circonscrites qui sont celles de l’IVC, des stérilisations à VISée contraceptive et des echerches sur l’embryon – et sa justification à la fois dans la liberté de conscience et dans l’invocation du « respect de la vie humaine, de la person liberté de conscience et dans l’invocation du « respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité » (article 2 du Code de Néanmoins, la limite est l’information des patients et la continuité des soins.

Hors ce cadre strict, les croyances ne sauraient ni influer sur la délivrance des soins ni justifier un éventuel « droit au retrait » des soignants. Le CCNE souligne que le refus des médecins « ne se fonde que ur une expérience ou une conviction exprimée à l’aune de son devoir de soin » et qu’il ne s’agit pas d’un véritable droit tel que celui des patients.

B) La possible influence des convictions religieuses des patients sur l’acte de soins Dans la pratique, il arrive régulièrement qu’un patient refuse certains soins pour des raisons religieuses (1) ou sollicite, voire exige, certains actes médicaux en raison d’une necessité imposée par sa foi ou les préceptes qu’il suit (2). 1 – Le refus de soins en raison de croyances religieuses Les cas les plus fréquents sont ceux du refus de transfusion et du efus de césarienne. Le refus de toute transfusion est au cœur de certaines communautés spirituelles.

Face ? cette situation, les professionnels de santé sont divisés entre le nécessaire consentement du patient à l’intervention thérapeutique et l’obligation légale de porter secours. Aussi, la question de l’ autonomie de la décision du patient se pose en raison de l’influence qu’exerce la communauté sur cette décision. ‘hémorragie lors de l’accouchement est la premiere cause de mortalité maternelle en France. Cest pourquoi le praticien et fondé en urgence à passer outre la rèele du consent