Extrait sur la guerre

Définir la guerre Qu’est-ce que la guerre ? Selon Pierre Proudhon, au milieu du XIXe siècle, chacun possède une idée de ce qu’est la guerre « les uns pour en avoir été témoins, d’autres pour avoir eu maintes relations, bon nombre pour l’avoir faite. » Aujourd’hui le monde contemporain use sans relâche du mot guerre, alors comment le définir ? Le mot « guerre » est issu du latin bellum, i. À partir du XIe siècle, « werra » issu du francique se substitue au latin et correspond à la germanisation des armées romaine militaire franque.

La rr or 18 entre groupes humai ou iolente, collective et Qu’est-ce que la guer nt par l’organisation s de « lutte armée une activité ses de la guerre ? La guerre est-elle nécessaire ? Quelle est la relation entre la nature humaine et la guerre ? Existe-t-il des guerres justes ? Autant de questions auxquelles la polémologie (la science de la guerre) tente de répondre et que nous allons aborder ici. La philosophie de la guerre est complexe et nécessite une réflexion cohérente pour articuler differentes notions issues de la métaphysique, de l’épistémologie, de la philosophie morale, politique et éthique

Pour le philosophe romain Cicéron, la guerre est un « débat qui se vide par la force pour le juriste néerlandais Grotius, c’est « l’état Swlpe to vlew next page l’état de ceux qui soutiennent une contestation par la force D, pour le théoricien prussien Carl von Clausewitz c’est « un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté pour le polémologue français Gaston Bouthoul : « la guerre est une lutte armée et sanglante entre groupements organlses La guerre est différente du conflit par la violence, un conflit est une interaction sociale mettant en jeu des comportements ntagonistes et hostiles sur fond d’intérêts opposés ou d’aspirations incompatibles. Toute guerre implique un conflit, mais la réciprocité n’est pas vraie car la guerre est une activité collective souvent l’œuvre d’unités politiques en interactlon. Le caractère distinctif des guerres qui les sépare d’autres relations entre nations ou classes est l’usage de la violence. Toute définition doit mettre en évidence le caractère collectif et violent de la guerre. Cependant, cela n’implique pas que le conflit dont elle est la manifestation se réduise entièrement à son aspect militaire. On doit également s’intéresser à la nature sociologique des groupes dont l’affrontement armé constitue une guerre.

La guerre est une affaire d’État, de confrontations entre une ou plusieurs nations ou sens de politique de sociétés comme le soulignait Jean- Jacques Rousseau : « La guerre n’est point une relation d’homme à homme mais une relation d’État à État dans laquelle les particuliers sont ennemis qu’accidentellement comme soldats Mais à Pintérieur d’un 18 les particuliers sont ennemis qu’accidentellement comme soldats Mais à l’intérieur d’un territoire, au sein d’une même nation, es luttes armées de province à province, de clan à clan, ou bien encore de religions, de classes, peuvent se caractériser dans une forme de guerre. La guerre civile peut donc être une des formes multiples et singulières de la guerre. Chaque guerre se différencie d’une autre par les caractères particuliers qui lui sont liés. Pourquoi, qui et comment sont des questions qui sont inhérentes à chacune d’entre elles et qui définissent l’acte de la guerre. La guerre est organisée en fonction d’un but à atteindre, elle est à ce titre une activité rationnelle, un moyen en vue d’une fin.

Le théoricien prussien Carl von Clausewitz la définit comme suit « un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté « Moyen sérieux en vue d’une fin sérieuse La guerre s’esquisse alors en tant qu’acte social et suppose des volontés aux prises, des collectivités politiquement organisées mais également comme une situation socialement reconnue et non comme un simple état de fait. Pour les Anciens, la guerre est uniquement un moyen, un but extérieur. pour Aristote, par exemple, la guerre est un moyen de parvenir à la paix (Politique, VII). Elle est normale, liée à la société et tend à la pacification des peuples. La substitution de l’objectif militaire à l’objectif de paix est claire dans la Première Guerre mondiale qui illustre le glissement ver à l’objectif de paix est claire dans la Première Guerre mondiale qui illustre le glissement vers la forme absolue d’une guerre dont l’enjeu politique devient difficile à préciser.

La guerre échappe aux politiques quand elle s’industrialise à grande échelle lors du second grand conflit mondial par exemple. La politique ne peut pas déterminer les objectifs sans faire abstraction des moyens ont elle dispose. Par ailleurs, une guerre présente toujours une certaine dimension dans le temps et dans l’espace. On peut s’interroger sur les guerres très longues comme le fut la guerre de Cent Ans, est- ce une seule et même guerre, un temps de guerre, un état de guerre ? En général, il est convenu de considérer que l’état de guerre se prolonge aussi longtemps qu’une paix durable n’y a pas mis fin. Toute guerre a un commencement et une fin : victoire, défaite ou trêve.

L’importance d’une bataille ne dépend pas seulement de son ampleur, des gains et des pertes matériels, ais d’abord et essentiellement de sa place dans l’ensemble de la guerre, de sa capacité d’entraîner la fin de la guerre. Dans la guerre, Fimportance des facteurs que Clausewitz nomme moraux est extrême, mais ce rôle, comme celui de la bataille, doit être compris dans l’acte de guerre considéré dans son ensemble , les facteurs moraux jouent dans la mesure où ils avantagent un adversaire par rapport à l’autre : « La guerre est une lutte qui consiste à sonder les forces morales et physiques au moyen de ces dernières. » Mais la guerre 8 qui consiste à sonder les forces morales et physiques au moyen e ces dernières. ? Mais la guerre peut également se définir comme une épreuve de volontés car n’est vaincu que celui qui se reconnaît comme tel. La guerre est le point métaphysique où l’on peut cerner le concept de liberté et de limites inhérentes à celle- Pour résumer nous pourrions dire que la guerre est une forme de violence qui a pour caractéristique essentielle d’être méthodique et organisée quant aux groupes qui la font et aux manieres dont ils la mènent. En outre, elle est limitée dans le temps et respace et soumise à des règles juridiques particulières, sans destruction e vies humaines, elle n’est qu’un conflit ou un échange de menaces.

Au commencement était la guerre La guerre est-elle consubstantielle à la nature humaine ? Les animaux combattent pour prendre ou conserver, pour conquérir ou préserver, de la nourriture, une femelle ou un territoire mais il est si rare que le combat soit organisé et collectif que la guerre proprement dite, en tant que phénomène social, est une des caractéristiques de l’espèce humaine. Selon la Genèse, Nemrod, fils de Chus, petit-fils de Cham, fondateur de Babel est le premier roi à connaître la guerre, « c’est ui qui commença à être puissant sur la Terre. II fut un puissant chasseur devant l’Éternel Après le Déluge, Dieu ordonna que les hommes partent peupler la Terre.

Nemrod désobéit et les regroupa par la force : pour devenir roi il acquiert ses sujets par la PAGF s 8 Nemrod désobéit et les regroupa par la force : pour devenir roi il acquiert ses sujets par la violence, fonde Babel et règne sur la ville. Alors que chez les Grecs, la guerre est plutôt liée au développement de la puissance économique et à la notion de « maître », elle devient ici une base pour penser la souveraineté politique. Nemrod est donc le contraire de la figure pastorale d’Abraham, il ouvre le règne du roi chasseur contre celui du pasteur. Ce développement de la souveraineté politique par la violence liée à l’ego d’une personne se dessine comme le premier pouvoir terrestre, comme la première figure de l’immanence du pouvoir.

Ce n’est plus une volonté divine. Il apparait alors comme fondement de l’autorité politique cette quintessence du rapport de force contre la transcendance de la loi divine. La guerre serait donc liée à la nature même de l’homme, elle est spécifiquement humaine, liée à un être, un espace, un territoire. La guerre devient, après la soumission des êtres à l’un d’entre eux en particulier, c’est-à-dire l’échange d’un pouvoir prédateur contre un pouvoir protecteur, un rapport entre un territoire et son espace extérieur. La particularité de Hespace extérieur est qu’il n’a pas de limite. Les causes de guerre chez les primitifs sont nombreuses et variées.

Les tribus archaïques peuvent recourir à la guerre pour le pillage, la recherche du butin, les femmes, les esclaves, ou pour la délimitation des terrains de chasse et d’élevage, ou encore pour venger une offense ou 6 8 sclaves, ou pour la délimitation des terrains de chasse et d’élevage, ou encore pour venger une offense ou pour réparer des torts mais également pour forcer l’admiration. On peut alors ramener à quatre types les guerres archaïques, la défense, la vengeance, l’acquisition ou le maintien de la classe militaire dans la hiérarchie sociale. La propriété, la civilisation et la politique ont- elles ainsi enfanté la guerre ?

Deux postulats philosophiques s’affrontent sur la question des causes de la guerre : le déterminisme et le libre arbitre. Si l’univers est mû par la guerre, les hommes ne sont alors que es sujets d’une volonté aveugle qui les transcendent. Il en découle que l’homme n’est pas responsable de ses actes et donc pas responsable de la guerre. Mais si, de part sa liberté humaine, l’homme fait le choix de la guerre, il en est donc totalement responsable. La guerre est alors biologique, culturelle et intellectuelle. Si, comme certains le prétendent, l’homme est naturellement agressif, cette tendance expliquerait une propension naturelle à la violence. La thèse rationaliste assimile la guerre comme un produit de la raison ou plus exactement de l’absence de raison.

Les rationalistes comme Hobbes font appel ? la raison de l’homme pour le sauver de la guerre, car si fétat de nature est un état de guerre, les hommes peuvent en sortir grâce à l’institution d’un État rationnel. L’une des grandes questions métaphysiques relative à ce point fut posée par Machiavel qui s’interrogeait 7 8 questions métaphysiques relative à ce point fut posée par Machiavel qui s’interrogeait sur la possibilité ou l’impossibilité d’une existence raisonnable et sensée de la nature humaine. Mals s’il ne peut faire de doute que la nature humaine joue un rôle important dans la réalisation de la guerre, elle ne peut ? lle seule être l’unique raison des guerres et des paix.

La notion de prépondérance de la nature humaine dans la guerre sera par exemple entièrement réfutée par Sartre qui souligne la contradiction avec les concepts de liberté et de création. La guerre en tant que spécificité humaine doit désormais trou- ver une justification, c’est le propre de l’homme. Pour Aristote : « L’art de la guerre est, en un sens, un art naturel d’acquisition, car l’art de la chasse en est une partie de cet art : nous devons y avoir recours à l’égard des bêtes et de ceux des hommes qui ?tant nés pour commander ny consentent pas. » La guerre relève-t-elle alors des arts de la Polis ? Une hiérarchie ontologique justifierait ici l’ordre naturel de la domination des commandeurs sur les esclaves, la domination assortie d’un droit de contrainte.

Jean-Jacques Rous- seau dans son Essai sur l’origine des langues souligne « L’histoire a souillé ses monuments des crimes de ces premiers rois , la guerre et les conquêtes ne sont que des chasses d’hommes. » La démonstration absolue de la supériorité sociale et la manifestation spectaculaire de ce que Marx a nommé comme hase d’accumulation primitive du capital 8 phase d’accumulation primitive du capital serait donc la justification de la guerre chez l’homme. Cette volonté de domination totale nous questionne sur la guerre en tant que nécessité biologique plus qu’instrument rationnel de la politique. Cette domination d’une société sur une autre, d’un groupe d’individus sur un autre, a pour principe de base la réduction de l’humanité à l’animalité humaine.

Comme l’écrit Hannah Arendt dans les origines du Totalitarisme « l’homme ne peut être pleinement dominé qu’à condition de devenir un pécimen de l’espèce animal homme Deviennent donc serviles par nature ceux qui s’écartent de la définition de la nature humaine, puisque, entre autre, la bible livre : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance et qu’il domine sur les poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et sur les animaux de la terre. » La discordance place donc certains individus « hors la loi » et justifie de manière primaire leur chasse et donc la guerre. Ce postulat entraîne une déviance de la guerre vers l’objectif de la propagation d’un modèle de société, qu’il soit fondé sur la religion, l’état ou le droit. Deux exemples majeurs illustrent ce modèle : la conquête du nouveau monde et les guerres de religions.

La conquête du nouveau monde au XVIe siècle a pour particularité d’avoir généré toutes les sortes de guerre : chasse aux esclaves, guerre d’exclusion, guerre de domination, guerre d’éradication, gue PAGF 18 d’éradication, guerre de territoire, guerre économique. La conquête du nouveau monde, notamment par la colonisation espagnole est la manifestation d’un vaste mouvement d’appropriation spatiale et économique qui s’est doublé d’une chasse à l’homme et à la différence dans une brutalité et ne violence extrême qui conduira à l’éradication de certains groupes humains et sociétés. La volonté d’évangélisation des Jésuites et la mise en place d’une société « à son image » par les conquistadores dont le plus représentatif est Hernan Cortes, se sont renforcées par l’incompréhension et la volonté de soumission des peuples aux coutumes et mœurs diamétralement opposes.

Quant aux guerres de religions, elles sont pour résumer des conflits armés opposants catholiques et calvinistes dans le Royaume de France entre 1562 et 1598 (Édit de Nantes) bien u’elles n’aient vraiment pris fin qu’en 1629 avec la signature de la paix d’Alès. La chrétienté est alors le dogme de runité du genre humain et la logique qui en découle est donc celle du pasteur qui tel Abraham doit guérir la brebis galeuse, la tuer si nécessaire, pour sauvegarder son ensemble et l’étendre. Car il est important de rappeler que les violentes luttes sur les questions de foi et discipline religieuse ne peuvent évincer les ambitions politiques, économiques et territoriales sous-jacentes. Introduction au thème : « la Guerre » polemos est le père de toutes choses, de tout