Mauselée

Choisi comme porte-parole de tous les marabouts de l’AOF (Afr’que ccidentale Française) lors de l’inauguration de la cathédrale du. Souvenir africain dans la capitale fédérale, Dakar, en 1935, Cheikh Moussa Kamara prône l’unité des religions du Livre. Il fut encouragé dans sa démarche d’historien et d’anthropologue par Maurice Delafosse, Henri Gaden et d’autres africanistes. Son œuvre littéraire monumentale, intitulée Zuhùr al-Basàtìn fi tàrlkh al-sawàdìn (Fleurs des jardins sur l’histoire des Noirs), fut écrite entre 1920 et 1925.

Cheikh Moussa Kamara est aussi l’auteur de quelques traités axés sur des thématiques bien respectivement n 1973 et 1976 par Amar Samb sous les titres « L’Islam et le christianisme » et « Condamnation de la guerre sainte Ces pièces et documents illustrent tous les aspects de la vie des princes, des paysans comme des résistants au joug colonial. A sa mort en 1 945, ses œuvres furent léguées à l’IFAN pour permettre leur accès aux scientifiques. Ce fonds, logé au laboratoire d’islamologie, constitue une documentation inestimable pour rétude de l’histoire sociale et culturelle de Sénégal et de l’Afrique de l’Ouest.

Certains de ces manuscrits fournissent des données très diverses et sont d’un grand intérêt our l’étude de l’Islam, de la littérature et de la rhétorique arabes ainsi que de l’histoire des idées. De manière générale, on peut reconnaitre que les œuvres de Cheikh Moussa Kamara sont d’une valeur inestimable et qu’à ce titre, elles transcendent les frontières temporelles et culturelles, et devraient par conséquent être préservées pour les générations actuelles et futures. 2.

INFORMATIONS SUR L’AUTEUR DE LA PROPOSITION 2. 1 Nom (personne physique ou morale) e Laboratoire d’Islamologie de l’Institut Fondamental d’Afrique N0ire Cheikh Anta Diop (IFANCAD) 2. 2 Relation avec l’élément co 2 3 trimoine documentaire Ch. A. DIop Pr papa Ndiaye, Directeur de l’IFAN-CAD Souleymane Gaye, Conservateur et Responsable de la gestion des manuscrits du Laboratoire d’islamologie IFAN Ch. A. DIOP Dr Ndèye Sokhna Gueye, Présidente du Comité national du Programme « Mémoire du monde » 2. Coordonnées complètes de la personne à contacter (adresse, téléphone, fax, adresse électronique) IFAN-CAD, Université Cheikh Anta Diop, BP 206, Dakar, Sénégal, Tel : (221) 33 825 98 90 Courriels : khadim. mbacke@ucad. edu. sn, souleymane. gaye@ucad. edu. sn thierno. ka@ucad. du. sn, 3. IDENTITÉ ET DESCRIPTION DE L’ÉLÉMENT DU PATRIMOINE DOCUMENTAIRE 3. 1 Nom et identification de l’élément ndeye. gueye@ucad. sn, Du nom de son auteur, le fonds Cheikh Moussa Kamara est run des huit fonds du laboratoire d’Islamologie de PIFAN Ch.

A. Diop. Le fonds est une production littéraire variée. Constitué entre 1920 et 1943, le fonds Cheikh Moussa Kamara est essentiellement composé de plusieurs manuscrits arabes sur support papier. C’est le fruit du travail intellectuel d’un grand érudit considéré co 3 Vincent Monteil, d’Amar Samb, de Thierno G, de Khadim Mbacké, de Omar Kane, de David Robinson, de Jean Schmitz et de bien d’autres islamologues, historiens et littéraires.

Parmi les travaux effectués sur le fond figurent aussi le rétablissement et la publication de deux manuscrits (la vie d’El-hadj Omar et sa guerre) par Ahmad Chokri et Khadim Mbacké, publiés grâce à la coopération entre l’IFAN et l’Institut des Etudes africains de l’Université Muhammad V de Rabat. Un troisième manuscrit traitant de l’histoire des deeniyankoobe a été rétabli par les mêmes chercheurs et proposé au même Institut. Le deuxième plus important manuscrit al-haqq l-mubin a été traduit en partie par Moustapha Ndiaye et publié dans le bulletin B de l’IFAN.

Le même manuscrit a fait l’objet d’une thèse de doctorat du 3e cycle… par ailleurs, une équipe de chercheurs, dont Khadim Mbacké, a traduit en français le Zuhùr pour le compte du CNRS, une partie de ce travail a été publiée en 1997. 3. 2 Description Constitué entre 1 930 et 1 943, le fonds Cheikh Moussa Kamara est essentiellement composé de manuscrits arabes sur support papier. L’une des pièces maîtresses de son oeuvre est un ouvrage rédigé en arabe durant les années 1920 et destiné aux dministrateurs-ethnologues de son temps, notamment Henri Gaden et Maurice Delafosse.

Il s’agit de sa monumentale Histoire des Noirs musulmans, le Zuhur al-Basàtin, où sont recueillies de nombreuses traditions transcrites en arabe ou 2 4 3 de Sokoto, à l’est, jusqu’au Fuuta Tooro, à l’ouest. L’auteur traite des chroniques peules, traditions historiographiques qu’on retrouve également au Fuuta Jallon, et des tarikh arabes. S’inspirant d’Ibn Khaldun, Kamara propose une histoire cyclique des dynasties peules, caractérisées par une croissance et un déclin. L’originalité de ses œuvres se itue à plusieurs niveaux.

Le premier niveau est caractérisé par son analyse de la conquête du pouvoir au Fuuta Tooro par les marabouts Toorogge à la fin du XVIIIe. Le second niveau prend en charge les rapports maîtres/discples lors de la transmission du savoir islamique et qui incluent les pérégrinations en vue d’étudier tel ou tel livre de grammaire ou de théologie auprès de lettrés musulmans, la quête des savoirs secrets ainsi que la création de foyers d’enseignement. Le troisième niveau concerne son opposition au jihad, aux guerres civiles qui minaient le Fuuta Tooro durant ette période d’opposition à l’ordre colonial. . JUSTIFICATION DE LA PROPOSITION D’INSCRIPTION SUR LE REGISTRE/ ÉVALUATION PAR RAPPORT AUX CRITÈRES DE SÉLECTION 4. 1 L’authenticité est-elle établie ? (voir 4. 2. 3) égué à l’IFAN par Mamadou Djiby Kane, petit-fils du Cheikh, le fonds est constitué de documents manuscrits authentiques, datant de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, et qui sont maintenus dans leur état ait pour nous aucun doute patrimoine culturel mondial. 42 L’intérêt universel et le caractère unique et irremplaçable sont-ils établis ? (voir 4. . 4) Le fonds est unique en son genre et n’existe nulle part ailleurs.

Il est conservé dans son intégralité au laboratoire d’islamologie. C’est une source historique unique d’une époque particulière de l’histoire de l’humanité, une époque où l’Islam et la culture islamique commençaient à s’imposer comme un des plus importants systèmes de croyance dans le monde. Le fonds constitue, par ailleurs, un patrimoine documentaire d’une richesse inestimable en termes d’informations sur plusieurs domaines d’activités. Ces manuscrits retracent ainsi et traitent de différents sujets ‘histoire, l’anthropologie, les ressources, la médecine locale, etc.

Les manuscrits comprennent des milliers de pages, rien que la pièce maitresse de ses œuvres, le Zuhùr al-Basàtin, comporte environ 1700 pages. Étant donné l’étendue des biens de la dotation et leur grande valeur ainsi que le prestige du Cheikh, la collection présente un intérêt régional et une importance universelle. De plus, les informations fournies constituent l’histoire d’une époque caractérisée par un dynamisme considérable et de grands changements. Bon nombre de chercheurs se sont appuyés sur les écrits de

Cheikh Moussa Kamara pour mieux connaître l’histoire du Fuuta Tooro et de la sous-région ouest- africaine. Maurice Delafosse luimême, à son époque, avait demandé la traduction du Zuhùr al-Basàtin en français. Cette collection de manuscrits, source iné rmations, continue 6 3 d’informations, continue aujourd’hui d’être largement utilisée par les chercheurs sénégalais et étrangers. 4. 3 Un ou plusieurs des critères (a) de l’époque, (b) du lieu, (c) des personnes, (d) du sujet et du thème, (e) de la forme et du style (f) signification sociale/ spirituelle/communautaire sont-ils atisfaits ? a) de l’époque, 3 L’ensemble de l’œuvre de Cheikh Moussa Kamara a été rédigé au moment où le Sénégal était sous la domination coloniale. Cette période de conquête coloniale a eu un impact certain sur le vécu de l’auteur. En effet, la présence européenne, surtout française dès le début du XVIe siècle, va bouleverser l’ensemble de la vallée du fleuve. Sur le plan économique, le développement de la traite atlantique avec une chasse à l’homme entraîna une permanente violence dans les rapports entre les Etats.

La recrudescence de la traite des esclaves jusqu’au XVIIIe iècle plonge le Fuuta Tooro dans l’insécurité et la guerre civile (révolution Tooroodo). En opposition à ce commerce favorisé par la dynastie deeniyanke, une révolution musulmane dirigée par les TooroEge (c’est-à-dire ceux qul prient) éclate à la deuxième moitié du XVIIIe siècle (O. Kane, 1986 ; 3. Barry, 1988 : 155). ces TooroEge destituant en 1776 le Satigui deeniyanke (titre, d’origine soninke, pris par les dirigeants peul deeniyanke) instaurent le ré ime de l’almamiyat (qui vient de l’arabe AI imam, celui qui l’annexion du Fuuta Tooro par la France en 1881.

Avec l’abolition de l’esclavage dès 1848, l’impérialisme français va donc se traduire dans la vallée du fleuve Sénégal par les tentatives avortées de colonisation agricole de 1813 à 1831, expérience qui échoua avec l’opposition des chefs du Fuuta Tooro et des Maures. Ces derniers, défavorisés par cette colonisation agricole, ont créé une situation d’insécurité et entrainé une brève reprise de la traite des esclaves et du commerce atlantique.

Cette ingérence ne s’est pas effectuée sans heurts car elle a fait l’objet de quelques résistances ‘islamistes qui furent matées par des expéditions punitives de la colonie du Sénégal. Ces guerres sont accompagnées de calamités naturelles comme la sécheresse avec ses cortèges de famine et de disettes. Aux exactions des tenants du pouvoir qui exigent vivres et bétail aux populations, s’ajoutent celles de la colonie française du Sénégal, établie à Saint- ouis.

Elle dépossédait les populations de leurs récoltes, de leurs troupeaux, incendiant les villages, déjà ravagés par les épidémies. C’est dans ce climat de guerres et d’insécurité quasi permanent qu’a vécu Cheikh Moussa Kamara ui s’opposait à cette violence. Son opposition au Jihad et aux guerres, il la traduit dans un de ses écrits, en ces termes : « La plupart de ceux qui ont fait la guerre sainte après notre prophète ne font que de l’ostentation et ne s’occupent pas des gens qui meurent dans la guerre sainte » (FAN, cahier 15 édité et traduit par Amar Samb, 1976). b) du lieu Cheikh Moussa Kamara résidait à Ganguel dans le Fuuta Tooro, au nord du Sénégal. Cependant l’auteur B3 l’auteur s’est beaucoup déplacé, notamment dans le Haut Sénégal/Niger, en Mauritanie et au Fuuta Jallon à la quête du savoir. Ses récits retracent les lieux et itinéraires de ses différentes pérégrinations à l’intérieur de l’Afrique de l’ouest. (c) des personnes L’œuvre principale, le Zuhùr al-Basàtin, est émaillée d’histoires de personnages charismatiques.

Ces écrits sont évidemment d’une importance primordiale pour notre connaissance de la vie et de l’œuvre des dynasties peules, des paysans, des marabouts ou des résistants à la colonisation française. L’auteur a tissé des liens avec les administrateurs coloniaux comme Henri Gaden, de Lamotte, Ballay, avec les africanistes de renom tels Robert Arnaud, Maurice Delafosse, Paul Marty, Mariani. Faisaient aussi partie de ses amis les députés du Sénégal, Blaise Diagne, Ngalandou Diouf, quelques Almamy de la Guinée, le Cheikh Sarad Buh et beaucoup de ses compatriotes, juristes, philologues, grammairiens ou écrivains de talent. d) du sujet et du thème 4 Entreprise originale, les écrits de Kamara fournissent des informations de première main dans les domaines de l’histoire, du droit musulman, de l’anthropologie, de la théologie, de la médecine traditionnelle et de la magie. Outre des informations sur les dynasties peules du Fuuta et tout ce qui ‘y rapporte, les manuscrits renferment des indications sur la gestion des terres, sur la pa sannerie ainsi que sur des sujets au l’astronomie ou la l’astronome ou la zoologie.

L’auteur propose un regard local et africain sur l’histoire de son pays et de la sous-région. (e) de la forme et du style Censemble des œuvres est manuscrit. Le style est comparable celui des Tarikh soudanais (XVIXVIle siècles), du Tarikh as-Sudan d’Abderrahman as-Sa di et du Tarikh al-fettash de Mahmud Kati. Autrement ces auteurs s’intéressaient aux histoires dynastiques et régionales, aux biographies, ux généalogies et offraient en même temps des renseignements d’ordre économique, religieux, social ou géographique.

Le style de Kamara rappelle aussi la manière d’écrire l’histoire d’Ibn Khaldun qui focalise son analyse en présentant une succession de dynasties locales, à l’intérieur desquelles il propose des informations sur tels événements religieux, militaire, économique, voire zoologique ou astrologique. (f) signification sociale/spirituelle/communautaire sont-ils Ces manuscrits sont une source unique de l’histoire du Fuuta Tooro et de l’Afrique de rouest.