Le moment propice à la construction des barrages arriva. Les hommes avaient charrié les rondins depuis la piste jusqu’à la mer et ils s’étaient mis au travail. La mère descendait avec eux à l’aube et revenait le soir en même temps qu’eux. Suzanne et Joseph avaient beaucoup chassé pendant ce temps-là. Ç’avait été pour eux aussi une période d’espoir. Ils croyaient à ce qu’entreprenait leur mère: dès que la récolte serait terminée, ils pourraient faire un long voyage à la ville et d’ici trois ans quitter définitivement la plaine.
Le soir, parfois, la mère faisait distribuer de la quinine et du tabac aux paysans et à cette occasion elle leur parlait des changements Swipe View next page prochains de leur exi la tête que feraient le ge fabuleuses qu’ils aur nt bie tp le, à l’avance, de ant les récoltes oint elle leur racontait son histoire et leur parlait longuement de l’organisation du marché des concessions. pour mieux encore soutenir leur élan, elle leur expliquait aussi comment les expropriations, dont beaucoup avaient été victimes au profit des poivriers chinois, étaient elles aussi explicables par l’ignominie des gents de Kam.
Elle leur parlait dans l’enthousiasme, ne pouvant résister à la tentation de leur faire partager sa récente initiation et sa compréhension maintenant parfaite de la technique concussionnaire des agents de Kam. Elle se libérait enfin de tout un passé d’illusions et d’ignorance et c’était comme si elle avait découvert un nouveau langage, une nouvelle culture, elle ne pouvait se rassasier d’en parler. Des chiens, disait-elle, ce sont des chiens. Et les barrages, c’était la revanche. Les paysans riaient de plaisir.