Parmi toutes les figures de style – découvertes, décrites et catégorisées depuis l’antiquité c’est avant tout la métaphore qui a éveillé l’intérêt des chercheurs. En effet, on constate un véritable foisonnement de travaux consacrés aux divers aspects du phénomène langagier qu’est la métaphore. Il suffit pour s’en convaincre de consulter les bibliographies récentes (Noppen/Knop/Jongen 1985, Noppen/ Hols 1990). Du fait des divers tournants de la linguistique d’une discipline structuraliste pure et dure — prototype, Lakoff/Johnson ont Insisté sur la normalité discursive omme sur la motivation cognitive de la métaphore.
Définissant la métaphore comme un modèle cognitif idéalisé (Lakoff/Turner 1987) (Idealized Cognitive Model ICM) ils ont ouvert la voie à de nombreuses études concentrées sur la métaphore comme phénomène cognitif (Maccormac 1985, LakofffTurner 1989, Liebert 1992, Weber 1995, Jàkel 1997) et quotidien (Noppen 1 992, Koch 1994, Debatin 1995, aaldauf 1997). À côté des recherches cognitivistes on rencontre également des travaux Insplres par l’approche pragmatique, mettant l’accent sur les récurrences et fonctions textuelles e la métaphore (Grzmil-Tylutki 1994, Schmitt 1994, Gil 1998).
Vu l’énorme intérêt que suscitent les métaphores, rabsence d’études métaphorologiques dans le domaine de la linguistique contrastive ne peut qu’étonner. Ni le pragmatisme ni le cognitivisme ne se sont posé la question du degré de convergence interlinguistique du langage figuré. Ceci s’explique peut-être par une certaine tendance inhérente à la linguistique américaine – qui a fortement marqué toute approche cognitiviste- de généraliser les résultats obtenus sur la base d’un seul « modèle culturel (voire [du] système symbolique qu’est a langue américaine) » (Dubois 1991 :25).
De même beaucoup de linguistes partant d’approches diverses soulignent l’identité des métaphores travers les différentes trouvent pratiquement seuls à modifier ces jugements. Dagut (1976, 1 987) énonce les problèmes pratiques que pose la traduction des métaphores, surtout si elles relèvent d’une culture spécifique de la langue-source.
Il se heurte ainsi l’idée d’un universalisme métaphorique : « This simplistic approach not only asks us to swallow the paradox of making one of the most complexly creative uses of language the asiest of all to translate, but also requires us to accept the untested and improbable assumption that all metaphors are universal, and that it is therefore sufficient for a metaphor to be acceptably and effectively used in one language to ensure is equal acceptability and effectiveness when literally transferred to any other. (1987 :78) Klein (1990 :417) approuve ces objections en mentionnant un possible sacrifice des métaphores « sur l’autel de la langue cible », et Klimaszewska (1991 :368) plaide dans le cadre de la phraséologie contrastive pour une séparation des dispositions sychiques communes à chaque être humain et des connaissances et habitudes limitées aux communautés linguistiques distinctes. Un des remèdes les plus sûrs pour surmonter les difficultés que cause la recherche des équivalences interlinguistiques consiste en une analyse contrastive, basée sur un corpus de textes authenti ues d’au moins deux langues.
Une telle analyse appartenant au même modéle cogntitif LE DÉBAT EST UNE GUERRE (Lakoff/Johnson 1980 :4-6) dans des articles de presse allemands et espagnols, parus dans les journaux nationaux El pais (EP) et die tageszeitung (taz). Le but de notre analyse sera de élimiter le niveau de convergence et de divergence interlinguistique et de discuter Yapplicabilité des théories de la métaphore en linguistique contrastive. 2. Analyse du corpus ca métaphore conceptuelle LE DÉBAT EST UNE GUERRE est présente dans des textes espagnols et allemands.
La projection métaphorique – appelée selon la terminologie cognitiviste le mapping- du domaine-source de la « guerre » vers le domaine-cible du «débat » est donc un principe non-limité à une seule communauté linguistique. Les lexèmes signifiant « guerre l’espagnol guerra et l’allemand Krieg, onstituent une sorte d’archimétaphore de ce concept métaphorique, comme l’attestent les exemples suivants : [Je vous renvois aux exemples 1 (1) [succesion à la tête du PCE] iQuién ganaré en esta ‘guerra’? (EP 22. 1. 98, 18) (2) [Sur les fonds de cohésion de l’Union Européenne] La guerra de los fondos (EP 26. 2. 8, (3) El dirigente socialista anunciô ayer que en la proxima reuniôn el primer tema sera „la guerra sucia del PNV contra el PSOE ». (EP 22. 1. 98, 15) (4) [Controverse entre le P et la chaîne de radio IE (taz-eerlin 29. 8. 96, 28) (6) Nicht eine ihrer Kolleginnen sei freiwillig bereit, abends noch anger zu arbeiten: « Da wird es auch Krieg untereinander geben. Jede wird versuchen, fruhe Schichten zu kriegen. Die Leute sind wütend », sagt Gisela Romanowski als Gewerkschaftsfrau. (taz 28. 8. 96, 12) Malgré la convergence approximative entre Husage métaphorique de guerra et de Krieg on constate une divergence contextuelle.
Tandis que l’emploi de guerra se réfère à des conflits concrets dont les participants et les buts sont connus, l’allemand Krieg s’utilise de façon métaphorique surtout pour souligner la gravité d’une controverse plutôt abstraite. En revanche, l’usage figuré des ubstantifs espagnols batalla, lucha et pugna ne diffère point de celui de leur équivalent allemand Kampf bataille »): (7) Anguita dejaré en verano la direccién del PCE y cerraré la batalla por su sucesi6n. (EP (8) La renovacién del Partido Revolucionario Institucional afronta pugnas internas y deserciones. EP 1. 3. 98, 12) (9) el lider de ILI se ha dirigido a todas las fuerzas politicas (.. ) para pedir la unidad de la izquierda en la lucha por la jornada semanal de 35 horas. (EP 26. 2. 98, 15) (IO) Eines der groŒen politischen alente Südafrikas, ANC- Generalsekretar Cyril Ramaphosa, ing allerdings leer aus- Zu verdanken hat er das Vizeprasident Thabo Mbeki, der unauffàllie, aber eisern de ie Nachfolee führt. (taz bataille électorale constitue un internationalisme comme en témoignent l’espagnol batalla electoral (EP 26. 298, IO), campana presidencial (EP 26. . 98, 6) et l’allemand wahlkampf (taz 7. 3. 98, 3) ou Wahlkampagne [1] (taz 19. 7. 96, 10). Les mécanismes des démocraties occidentales s’insèrent donc bien dans cette métaphore conceptuelle de la guerre. À part les projections (archi-)métaphoriques de la guerre sur les différends on rencontre lors de l’analyse du corpus également des emplois igurés des divers éléments qui font Hensemble d’une situation guerrière, comme la tactique, les actions concrètes de l’attaque ou de la défense et les positions prises sur le champs de bataille.
L’examen des textes démontre une convergence presque absolue de l’usage figuré de l’espagnol estrategia et de son équivalent allemand Strategie : (12) A su juicio, la politica del PNV contra el PSOE es una estrategia pensada para „disimular los flancos de ataque que el PP le propicia por su politica antiterrorista ». (EP 22. 1. 98, 15) (13) Er war, sagen Eingeweihte, das Hirn hinter Clinton; nicht blog Wahlkampfmanager, sondern Mastermind der Strategie, aus einem Demokraten einen De-facto-Republikaner zu machen und damit den echten Republikanern die Show zu stehlen. (taz 31. 8. 6, 11) De surcroit on remarque une conformité des emplois métaphoriques de l’inventaire lexical néolatin faisant partie du cham s sémantique de la guerre des deux langues. 6 OF fur seine « neue Offensive der Versôhnung » gewàhlt? (taz 28. 8. 96, 1 5) (16) Monsefior Sanchez habia meditado cuidadosamente su salomônico pronunciamiento ante los periodistas. Y no tiene intencién de moverse un milimetro de esa posiciôn… (EP omingo 1. 3. 98, 2) (17) Der Superintendent kündigte für den Herbst Gespràche zum Thema Migbrauch fur interessierte Eltern aller zehn Kitas in Kreuzberg an, die in der Tràgerschaft der evangelischen Kirche Sind. Wir mussen klare und offensive Positionen durchhalten’ , so Wittkopf. (taz-Berlin 27. 8. 96, 23) e domaine de la guerre le plus fréquemment métaphorisé est celui de l’attaque. Dans les articles de presse espagnols l’usage figuré des formes dérivant du verbe atacar ou du substantif ataque, souvent accompagné des adjectifs et des adverbes renforçants comme duro et ferozmente, est très ommun (18) Anguita ataca a los sindicatos mientras pide unidad a la izquerda (EP 26. 2. 8, 15) (19) La ejecutiva del PNV decidié atacar a Barrionuevo para forzar al PSOE a „depurar » el ,caso GAL’ (EP 22. I . 98, 15) (20) Recordé que no es la primera vez que el coordinador de IU atacaba a los sindicatos (EP 26. 2. 98, 15) (21) También recuerda Jauregui el „apoyo inestimable que el PNV le dio al gobierno en toda la batalla mediética, en la que fuimos ferozmente atacados ». (EP 22. 1. 98, 15) (22) Duro ataque del vicep Gobierno en el Senado – métaphorique de Yattaque militaire dans un ontexte politique est moins habituel qu’en espagnol.
En plus, les attaques métaphoriques en allemand sont plus souvent dirigées contre les opinions d’un adversaire que contre sa personne. Ceci s’aperçoit aisément, vu les exemples suivants d’une utilisation métaphorique des lexèmes Angriff et Attacke : (24) Die PDS zur Ehrlichkeit mit Sich selbst zu zwingen, übersteigt ohnehln unsere Krafte, zumal dies die PDS entlastet, die solche Angriffe schon wieder als Provokation des politischen Gegners empfindet. (taz 26. 8. 96, 10) (25) Brownings Studie schliegt mit der Frage, Ob nicht jeder von uns Sich auf ahnliche Weise erhalten hatte.
Doch weder diese abstrakten Überlegungen noch die vielen anderen Versuche, den Holocaust mit Hilfe universalistischer Theorien Über Modernisierung zu beschrelben, sind so heftg als ahistorisch attackiert worden Wie Goldhagens Bernühung die Shoah aus der deutschen Geschichte zu erklàren. (taz 29. 8. 96, Même si l’allemand dispose sur le plan sémantique de formules correspondantes au syntagme espagnol atacar a una persona, les journalistes germanophones de la tageszeitung se montrent apparemment beaucoup plus réticents envers ces expressions que leurs collègues espagnols du Pais.
Il y a donc une divergence sur le plan pragmatique. Un phénomène semblable se fait jour quand on confronte l’usage métaphorique des expres à la défense militaire 8 OF figuré des verbes defender(se) et (sich) verteidigen promet d’être révélateur. (26) En consecuencia, no toda la izquierda (.. ) esté a favor de defender el objetivo del pleno empleo. La izquierda esté hoy „dominada por el pensamiento de la derecha », dijo. EP (27) Julio Anguita volvié a echar sal sobre las heridas abiertas con los sindicatos al acusarles de defender solo „los intereses de sus afiliados ». (EP 28) Quienes hablan, en privado, con José Sanchez, secretario de la Conferencia Episcopal dan fe de la firmeza de sus convicciones a la hora de defender a la cadena de la Iglesia del „enemigo exterior. (EP domingo 1. 3. 98, 1) (29) Gemessen an der Durchsuchungsentscheidung, die Janknecht trotz aller juristischer Gegenargumente immer noch verteidigt (.. ist die Abberufung Janknechts von der ustizpressestelle ein billiger Witz. (taz-HB 28. 8. 96, 21 ) (30) lm Gegensatz zu der Berliner Gruppe halt es das Lübecker Bündnis gegen Rassismus fur hbchst problematisch, ausgerechnet in Grevesmühlen eine Kundgebung abzuhalten. [.. l Ein massenhafter Einfall von « Besserwessis » sei « kontraproduktiv » Sabine Fischewerteidigt dennoch das Berliner Vorhaben. (taz 28. 8. 96, 4) La différence essentielle qui s’affiche entre l’espagnol defender et l’allemand verteidigen réside dans les solidarités lexicales.
La tournure defender un objectivo ‘defender los intereses correspondrait au syntagme allemandlnteressen vertreten (« représenter la ne s’intèere pas dans la et patrons en Allemagne obéit à un modèle plutôt consensuel, exprimé par le terme allemand -lui même métaphorique- du Sozialpartnerschaft partenariat des cteurs sociaux ») qui exclue les métaphores belliqueuses, tandis que le langage figuré utilisé dans la presse espagnole suggère une relation conflictuelle entre les acteurs sociaux ou politiques.