La concurence fiscale

Dans un monde de plus en plus interconnecté, la concurrence économique entre Etats se joue en effet dans tous les domaines, y compris sur le champ de la fiscalité, c’est-à-dire de Paction publique sur les prélèvements obligatoires – constitués par les Impôts et cotisations sociales. La politique fiscale revêt dans ce contexte une importance primordiale pour l’autorité étatique ; notamment en Europe, dans la mesure où, depuis Pintroduction de l’Euro, les Etats ont été privés des leviers de la politique monétaire et de change.

La fiscalité reste l’un de leur ultime domaine de souveraineté. La oncurrence fiscale devient alors l’un des moyens d’augmenter l’attractivité de leur territoire et d’assurer le développement économique du pays. Les Etats ont en effet intérêt à afficher les taux d’imposition les plus attractifs possibles afin d’attirer les agents économiques sur leur territoire (qu’il s’agisse d’investisseurs, d’individus, de ménages à hauts revenus, etc. . Or, une pression fiscale à la baisse n’est pas sans poser problème, notamment en termes de diminution des ressources publiques tirées de l’impôt – et donc de la qualité des infrastructures publiques – et en termes de compétitivité des Etats tenant un ang peu glorieux en termes de fiscalité – c’est le cas de la France, qui, avec 42% de prélèvements obligatoires, comptabilise le taux le plus élevé en Europe.

Pour ceux-là, la concurrence fiscale peut ainsi provoquer craintes et inquiétudes, notamment si elle est perçue comme étant « déloyale D’où la problématique suivante : sous quelles conditions la concurrence fiscale peut-elle être souhaitable pour les Etats ? rence fiscale, si elle ne présente pas que des La concu inconvénients, peut toutefois être très dommageable pour les économies des Etats, puisqu’elle fait peser un risque sur ‘équilibre des économies, notamment pour leurs structures fiscales IS puisqu’elle fait peser un risque sur l’équilibre des économies, notamment pour leurs structures fiscales pour cette raison, une coordination fiscale globale entre les Etats apparaît nécessaire, même si les efforts dans cette voie sont encore timides (II). ) La concurrence fiscale, une pratique controversée La concurrence fiscale soulève nombre de controverses parmi les agents économiques ; que ce soit l’Etat, les individus, les ménages, les entreprises ou les collectivités territoriales. Si l’analyse classique de la concurrence fiscale elle-même ne ‘accorde pas à dire si elle constitue une bonne ou une mauvaise chose, elle a cependant le mérite d’analyser celle-là à l’aune de trois concepts fondamentaux : l’efficience, l’efficacité et l’équité.

Aussi, selon ces critères, la concurrence fiscale apparaît-elle comme une force positive porteuse de réformes (A), mais qui comporte intrinsèquement un risque de distorsion économique (B), ce qui remet en cause durablement les structures fiscales des économies étatiques. A) une force positive favorisant les réformes Souvent perçue de façon négative, la concurrence fiscale ne présente toutefois pas que des inconvénients. En particulier, les théoriciens du courant libéral n’ont eu de cesse de mettre en avant ses effets vertueux.

Selon eux, la concurrence fiscale a un impact très positif sur l’efficacité économique générale : elle est non seulement garante d’une meilleure utilisation des dépenses publiques et d’un renforcement du bien-être de la collectivité, mais également gage de croissance économique. D’une part, la concurrence fiscale force à une utilisation optimale de la dépense pub de la dépense publique et donc au bien-être de la collectivité.

Le modèle de Tiebout, exposé dans son article fondateur publié en 9562, développe largement cette thèse. Tiebout s’appuie sur deux hypothèses : la parfaite mobilité des acteurs et l’existence d’un couple système d’imposition / biens publics. Il décrit un système dans lequel les gouvernements locaux entrent en concurrence pour attirer de nouveaux résidents sur leur territoire Pour ce faire, ils proposent un « pack » fiscal et de services publics (piscines, écoles, opéras, infrastructures) qu’ils espèrent attractif.

Il observe que le choix des acteurs mobiles se fait en fonction d’un arbitrage personnel sur le meilleur endroit où s’installer, n fonction des privilèges fiscaux et de la fourniture des biens publics : il s’agit du « vote par les pieds La pression à la baisse de l’impôt implique donc la nécessité pour les acteurs publics d’une meilleure allocation des ressources pour financer les biens collectifs.

Le modèle de Tiebout a été repris par nombre de théoriciens économiques par la suite (modèles de Zodrow et Mieszkowski (1986), de Bucovetsky et Wilson (1991 ) et d’Edwards et Keen (1 996)), en tenant compte des effets de la globalisation et en substituant à ‘hypothèse de parfaite mobilité des individus celle de parfaite mobilité du capital. D’autre part, selon les libéraux, la concurrence fiscale est un élément de compétitivité d’un Etat comme un autre ; pour cette raison il est nécessaire de la favoriser.

L’impôt n’est qu’un instrument nuisible au progrès économique, qu’il faut limiter dans la mesure du poss 4 OF IS qu’un instrument nuisible au progrès économique, qu’il faut limiter dans la mesure du possible. Comme le déclarait Adam Smith : «l_’impôt peut entraver l’industrie du peuple et le détourner de s’adonner à certaines branches de commerce ou de travail ».

Cest le cas notamment de Pimpôt sur les sociétés n entrepreneur qui apporte de l’innovation, ainsi que des profits, ne devrait pas être pénalisé par un impôt, au moment même où son activité est en train de prospérer et où on devrait l’aider à fructifier son entreprise. La concurrence fiscale est donc gage de dynamisme et de croissance économique. Cet aspect revêt une importance toute particulière dans une perspective de rattrapage économique.

Nombre d’Etats ont ainsi compris la portée stratégique du levier fiscal et ont procédé à des réformes de leurs structures fiscales afin de rendre leurs économies plus attractives. C’est le cas des pays ayant récemment intégré l’Union Européenne, notamment l’Irlande ou la Pologne. Depuis 20 ans, on a ainsi par exemple assisté à une baisse continue du taux nominal moyen de l’impôt sur les sociétés dans les pays développés, de 45 à 30%. La concurrence fiscale présente beaucoup d’avantages, notamment selon les libéraux.

Il convient toutefois de nuancer leurs dires, et notamment de s’interroger si la « spirale de la concurrence fiscale » comporte ou pas des risques à long terme. B) un facteur de distorsion économique Pour aussi stimulante et positive qu’elle puisse paraître, a concurrence fiscale suscite cependant de nombreuses inquiétudes, notamment par rapport à ses effets potentiels sur l’efficience économique, au sens walrassien du terme, et sur l’équité.

Une ses effets potentiels sur refficience économique, au sens walrassien du terme, et sur l’équité. Une concurrence fiscale pure et désordonnée peut ainsi porter de graves conséquences à la fois sociales et économiques, mais également sur l’équilibre même des systèmes d’imposition à long terme. Sur le plan de l’efficience économique, la concurrence fiscale amène à une mauvaise répartition des forces économiques. Un système d’imposition est dit efficient s’il est sans effet sur la prise de décision économique.

Or, la concurrence fiscale introduit un élément de distorsion dans la prise de décision des agents économiques. Sur le plan économique, la concurrence fiscale pousse les entreprises à opérer des choix parfois sous-optimaux. Cela est notamment le cas dans les choix de localisation des investissements productifs : un fabricant informatique va ainsi préférer s’installer en Irlande, non pas en raison de la productivité des facteurs, mais en raison de la fiscalité avantageuse.

Un tel hoix peut être sous-optimal et donc amener à réduire la capacité concurrentielle de l’entreprise et le potentiel de croissance de l’activité. En effet, dans rexemple précité, en préférant le critère de fiscalité, l’entreprise devra se confronter à la dure tâche de l’acheminement de son produit fini de l’Irlande vers l’Europe continentale, qui est son marché principal ; alors qu’il aurait dû localiser son activité en Europe par souci de commodité.

La concurrence fiscale est donc inefficiente économiquement parlant. La concurrence économique porte également atteinte au concept d’équité. Un système d’imposition est dit équitable s’il répartit la pression fiscale entre les 6 OF IS pression fiscale entre les agents économiques en fonction de leur capacité contributive. Or, la concurrence fiscale incite les Etats à exercer une pression sur les facteurs de production les plus mobiles (le cap tal), au détriment des facteurs les moins mobiles (le travail)3.

La théorie économique indique ainsi que, plus la concurrence fiscale est forte, plus le taux d’imposition du capital tend vers zéro, ce qui implique que c’est le facteur travail qui supporte alors la totalité du fardeau fiscal. Autrement dit, la concurrence fiscale introduit une différenciation de fiscalité en fonction des facteurs de production ; différenciation dangereuse, dans la mesure où elle n’est en général pas en phase avec les objectifs d’une politique économique étatique moderne. ar exemple, en Europe, la concurrence fiscale a eu pour conséquences à la fois une surtaxation des bases fixes (le travail) et une détaxation des bases mobiles (le capital). Les entreprises ont ainsi diminué leur demande de travail pour y substituer le capital, de sorte que le chômage s’est accru en Europe. Or, a diminution du chômage constitue une priorité du projet de politique économique affiché par la Commission Européenne ! C’est ainsi que le Commissaire Monti a pu affirmer que la concurrence fiscale était responsable en partie du niveau élevé de chômage en Union Européenne.

De la même manière que pour les entreprises, la concurrence fiscale introduit une discrimination entre les ménages, plus précisément entre les ménages les plus mobiles et les moins mobiles. Les ménages les plus mobiles étant également les plus riches, I plus mobiles et les moins mobiles. Les ménages les plus mobiles tant également les plus riches, la concurrence fiscale a pour conséquence la délocalisation de ceux-ci vers des territoires fiscalement attractifs – ce que les ménages les moins riches ne peuvent pas faire, pour des raisons matérielles.

Ces agents localisent ainsi leur activité économique là où ils peuvent acquitter l’impôt le plus réduit possible. On volt bien le problème posé par des tels comportements, du fait de la relation étroite qui existe entre prélèvements obligatoires et offre de biens publics : non seulement le pays d’origine assiste à une fuite de ses capitaux (également appelée évasion fiscale mais il souffre également du comportement de « passager clandestin » (free rider).

En effet, non seulement ces agents privent le pays de capitaux, mais ils continuent de profiter des infrastructures et services publics existants dans le pays d’origine. Selon Jacques Le Cacheux accentue la polarisation entre ceux qui bénéficient de l’offre de biens publics et ceux qui la financent. La concurrence fiscale remet ainsi en cause la soutenabilité des mécanismes de redistribution de l’impôt.

Une concurrence fiscale exacerbée aurait en effet des conséquences atastrophiques sur les Etats : la diminution des recettes fiscales s’accompagnerait non seulement d’une diminution des ressources consacrées à la dépense publique (protection sociale, infrastructures), mais également d’une concentration de l’imposition sur les bases moins mobiles, qui n’ont pas les mêmes facilités en termes de mobilité géographique (classes moyennes, salariés peu qualifiés personnes âgées notamment), ainsi qu’une géographique (classes moyennes, salariés peu qualifiés personnes âgées notamment), ainsi qu’une utilisation des dépenses publiques adaptée aux bases mobiles que l’on souhaite ttirer sur le territoire, au détriment des bases moins mobiles qui ont a priori le plus besoin de la redistribution de l’impôt! La concurrence fiscale est donc fortement inéquitable, et remet en question l’impôt comme instrument fondamental de l’Etat- Providence.

L’analyse classique de la concurrence fiscale montre que, si la concurrence fiscale n’est pas nécessairement néfaste, une concurrence exacerbée peut toutefois conduire à un déséquilibre des systèmes fiscaux étatiques, et ce, surtout dans les zones économiques intégrées telles PIJnion Européenne. La priorité est lors à la coordination fiscale globale. Il) La nécessité de coordination des stratégies fiscales des Etats Les risques posés par la concurrence fiscale imposent de procéder à une coordination des stratégies fiscales des Etats, d’autant plus que la politique fiscale n’appartient pas entièrement aux Etats, puisqu’elles dépendent des décisions en matière fiscale des autres Etats. Cela passe par l’instauration déjà initiée d’une discipline fiscale minime à une coopération plus renforcée, notamment dans les zones économiquement très intégrées, comme l’Union Européenne (A).

Cependant, un approfondissement de la coordination fiscale se heurte un cadre institutionnel en e du fait du poids des concurrence fiscale initiée par les Etats, l’heure est à l’instauration d’une discipline fiscale minime, afin d’éviter que des Etats ne parviennent plus à suivre le rythme accéléré de la baisse des taux d’imposition, la « spirale infernale de la concurrence fiscale ». On le voit bien, le débat : « concurrence vs. convergence ? » n’a pas lieu d’être. Une concurrence fiscale pure porte en elle le risque d’un déséquilibre non soutenable des économies étatiques. Quant à la solution de la convergence, elle est idéaliste, même dans les espaces fortement intégrés telle l’Union Economique et Monétaire européenne.