Lexique du racisme

UNESCO – SECTEUR DES SCIENCES SOCIALES ET HUMAINES Coalition internationale des villes contre le racisme DOCUMENTS DE DISCUSSION Numéro 1 LIN LEXIQUE DU RACISME Etude sur les définitions opérationnelles relatives au racisme et aux phénomènes connexes par Micheline Labelle Université du Québe (UQAM) 2 UN LEXIQUE DU RACISME : ÉTUDE SUR LES DÉFINITIONS or82 Sni* to View OPÉRATIONNELLES RELATIVES AU RACISME ET AUX PHÉNOMÈNES CONNEXES Observatoire international sur le racisme et les discriminations, Centre de recherche sur Pimmigration, l’ethnicité et la citoyenneté NOTION • • • • • • • • • • • • • 7 . . une notion dérivée de l’idéologie raciste 1. 2. Les conceptions contemporaines, dites soclales, de la « race 1-3. Les traces de la «race» dans les instruments de lutte contre le racisme …….. 9 2. LES FONCTIONS, LES MANIFESTATIONS, LES NIVEAUX, LES LOGIQUES, LES CONSÉQUENCES DU RACISME 14 2. 1. Les fonctions du …… 15 2*2. Les manifestations du racisme … 16 23. Les niveaux du racisme — 2. 4. Les logiques du racisme . 2. 5. Les conséquences du racisme : la création de publics cibles et de publics agresseurs 21 PARTIE Il DEFINITIONS : RACISME, DISCRIMINATION ET TERMES CONNEXES . RACISME ET DISCRIMINATION Crime 25 Discrimination.. 26 Discrimination OF Discrimination indirecte, institutionnelle…….. — Discrlrmnation systémique………….. Discrimination « raciale Ethnocentrisme 31 Ethnisme . Ethnophaulism Formation « raciale Néoracisme 32 Orientalisme…. 33 Préjugé Préjugé « racial Profilage « racial Violence « raciale Racisation……………….. 35 PAGF OF 36 Racisme environnemental………………… 37 Racisme à rebours . Racisme symbolique 38 Xénophobie 4 2. RACISMES SPÉCIFIQUES . 39 Antisémitisme . Arabo phobie.. Racisme anti- Noir 40 3.

MESURES DE LUTTE CONTRE LE RACISME ET LA DISCRIMINATION Accommodement . _ 41 Diversité 41 Éducation anti- raciste • • • • • • Équité en emploi 42 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES — 43 Introduction • La problématiquel Qu’est-ce que la « race Qu’est-ce que le racisme? Le racisme est-il universel et existet-il de toute éternité? Comment distinguer racisme, ethnocentrisme et xénophobie? Quelles sont les manifestations ou les formes élémentaires du racisme? Quels sont ses niveaux? Quelles sont ses logiques discursives? On observe dans diverses sociétés contemporaines l’expression du racisme et de ‘ethnisme.

Le déplacement sournois du racisme classique au néo-racisme pose différents types de problèmes pour l’analyse sociologique et politique et l’intervention sociale. L’une de ces difficultés concerne les critères de définition du racisme : le racisme existe-t-il seulement lorsque le mot « race » est présent? Est-il légitime de qualifier de racisme les préjugés et les discriminations contre les jeunes, les personnes âgées, les femmes, les homosexuels, les patrons, les policiers? Y a-t-il lieu de référer à des « racismes spécifiques » dans ses manifestations, soit un rac he des groupes cibles

PAGF s OF s’ajoute la question de la spécificité des sociétés (allemande, américaine, française, guadeloupéenne, japonaise, Mandaise, sud-africaine, etc. ) qui fournissent le contexte politique et le répertoire culturel à partir desquels s’alimentent les expressions du racisme et de l’antiracisme. Il n’existe dans le système des Nations Unies définition du racisme. Dans son article 1, la Convention pour Pélimination du racisme et de la discrimination raciale (CERD) se limite à définir la seule discrimination raciale, qu’elle fonde sur « la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique ».

Cette vision très large aboutit sur le plan opérationnel à faire du racisme une sorte de fourre-tout où se retrouve tout ce qui a « pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines polltique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique Les instruments internationaux et nationaux recourent largement à la notion de « race » pour combattre le racisme et par le fait même, ils contribuent à la reproduction des eprésentations qui y sont associées.

Les cibles du racisme sont souvent confondues dans une même totalité. Les préjugés ne sont pas distingués des pratiques sociales. Sous couvert d’analyser le néo-racisme, on oublie que les représentations liées au racisme « colonial » perdurent dans nos sociétés. La « estion de la diversité » est confondue avec la lutte co PAGF 6 OF la xénophobie, la discrimination Je tiens à remercier les assistants et les professionnels de recherche du CRIEC qui ont contribué à la cueillette des données nécessaires à la préparation de cette étude: Ann-Marie Field, Jean-Claude Icart, Kim

Obomsawin, Bechir Oueslati, Stéphanie Tremblay. Je remercie également mon collègue Rachad Antonius pour ses judicieux conseils sur le fond des questions traitées et son soutien à la préparation de cette étude. 6 et toutes les formes d’intolérance se trouve unifiée. Des campagnes de prévention contre le racisme confondent les cibles du racisme et celles de l’ethnocentrisme ou de la xénophobie. Ceci a un impact sur l’efficacité de la lutte contre le racisme et contre les racismes que l’on peut qualifier de spécifiques — anti autochtone, anti afro- descendant, antisémitisme, arabophobie, islamophobie, etc. it ceux qui se sont manifestés historiquement et à un niveau ultime, sous la forme d’une biopolitique de haine et de violence et du racisme d’État (Le Cour Grandmaison, 2005, p. 128). Étant donné ce manque de clarté conceptuel, il apparaît important de réfléchir sur les définitions du racisme et de la discrimination et sur les termes utilisés pour les combattre. La première partie propose d’entrée de jeu un commentaire critique sur la notion de « race » et distingue ensuite les fonctions, les manifestations, les niveaux et les logiques du racisme.

La seconde partie contient un lassaire des termes adoptés par les xperts des sciences hum PAGF 7 OF on le constatera par comparaison. Nous illustrons ainsi la difficulté que pose la présentation d’une définition extraite ou séparée de son contexte et d’un cadre théorique sur l’interprétation du racisme que les limites de cette étude ne nous permettent pas d’analyser et de mettre en relief. Cette étude s’inscrit dans le cadre de l’action de l’UNESCO pour promouvoir le renforcement des politiques contre le racisme et la discrimination dans les villes et les municipalités.

L’UNESCO a appuyé la mise sur pied de la Coalition internationale des villes contre le racisme. Le cadre de départ de cette Coalition est la proposition d’un Plan d’action en 10 points, adopté à Nuremberg, en décembre 2004 (UNESCO, 2004). 7 PARTIE I LES ENJEUX DES CHOIX TERMINOLOGIQUES ET DE L’ANALYSE DU RACISME 1. « Race » : une fausse notion 1 . 1. Une notion dérivée de l’idéologie raciste La notion de « race » ne devient un indicateur de groupe généalogique humain que depuis le 17ème siècle (Guillaumin, 1972a et b), alors qu’elle s’impose comme signifiant de différenciation sociale.

Au 19ème siècle, l’idéologie raciste se structure comme système perceptif essentialiste et infiltre les recensements, les politiques ubliques, les débats académiques. Une hiérarchie inégalitaire se constitue. Les considérations d’ordre physi ue physiologique, psychologi ique, national naturelle de l’homme… » (Histoire naturelle, 1749). Il les différencie par la taille, la couleur, la physionomie, mais également par les mœurs et l’intelllgence (Coquery-Vidrovitch, 2003).

La classification naturaliste de Carl von Linné distingue Europaeus albus : « ingénieux, élégant, inventif, blanc, sanguin, gouverné par les lois »; Americanis luridus : « tenace, content de son sort, aimant la liberté, basané, irascible, ouverné par la coutume »; Asiaticus luridus : « arrogant, avare, jaunâtre, mélancolique, gouverné par l’opinion Afer niger : « rusé, paresseux, négligent, noir, flegmatique, gouverné par le caprice Homo monstruosus (Systema Naturae (1758-1759). von Linné fut le premier à utiliser la couleur de la peau comme critère de classification). En 1795, Johann Blumenbach distingue cinq « races » : caucasienne, mongolienne, éthiopienne, américaines, et malaise. Les cinq catégories furent ensuite réduites à trois : négroide, caucasoïde, mongoloïde. Ils figuraient encore dans le Webstefs New World Dictionnary de 988 (Kendall, 1997, p. 5). Ces termes perdurent aujourd’hui. Moreau de St-Méry distingue à St-Domingue (fin 18ème) une hiérarchie de onze « classes » quant à la nuance de la peau.

Chaque classe se caractérise par un nombre minimal de parties blanches et noires, le blanc et le now pur totalisant respectivement 128 parties Nègre, sacatra, griffe, marabou, mulâtre, quarteron, métif, mamelouc, quarteronné, sangmêlé, blanc. Il établit une relation intrinsèque entre couleur et force h Sique dans le contexte de l’esclavage de plantatio re: « Ici l’observation de renouvelée » (Moreau de St-Méry, dans Labelle, 1987, p. et 259). 8 Le Comte de Gobineau établit une relation inverse entre la force physique et l’infériorité raciale: « Y a-t-il aussi inégalité de forces? Sans contredit, les sauvages de l’Amérique, comme les Hindous, sont de beaucoup nos inférieurs sur ce point. Les Australiens se trouvent dans le même cas. Les nègres ont également mons de vigueur musculaire. Tous ces peuples supportent infiniment moins les fatigues.. ? (Gobineau, 1963, p. 278). Renan décrétera dans sa conférence à la Sorbonne sur l’islamisme et la science (1 883): Toute personne un peu instruite des choses de notre temps voit clairement ‘infériorité actuelle des pays musulmans, la décadence des États gouvernés par l’islam, la nullité intellectuelle des races qui tiennent uniquement de cette religion leur culture et leur éducation (Renan, dans Geisser, 2003, p. 1). En 1957, Henri-V. Vallois distingue 27 races, réunies en quatre grands groupes : races primitives, races noires ou négro-ldes, races blanches, races jaunes. La classification est teintée de considérations racistes : « Les Anous ont la peau d’un blanc mat sale… D’un bout à l’autre de l’Amérique, les Indiens sont froids, taciturnes, plus ou moins impassibles » (Vallois, 1967, p. 71, 98).