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L’ARBITRAGE AU SENEGAL : PERSPECTIVES AFRICAINES ET INTERNATIONALES 28 février et 1er mars 2014 Arbitrage ad hoc, arbitrage institutionnel et bonnes pratiques internationales Par Dr. Gaston KENFACK DOUAJNI (HDR) Directeur de la Législation au Ministère de la Justice-Yaoundé, Cameroun Président de l’Association pour la Promotion de l’Arbitrage en Afrique (APAA) Professeur associé a Relations Internationales du Ca é II (Institut des or 13 Sni* to View ers Le petit Larousse illustré définit la pratique au sens philosophique comme un comportement ou une façon d’agir qui concerne l’action morale u les règles de conduite 1.

L’évocation des règles de conduite ici renvoie nécessairement au respect des règles éthiques en matière d’arbitrage. Entendu comme le jugement d’une contestation par des particuliers (choisis pa les parties) que sont les arbitres2, ou comme une méthode de règlement des différends dans lequel les parties conviennent de soumettre leur différend au jugement de procédure arbitrale5. L’arbitrage institutionnel est celui organisé par une institution ou centre d’arbitrage conformément au Règlement d’arbitrage de cette institution, ledit règlement fixant la rocédure arbitrale à suivre6.

Qu’il soit ad hoc ou institutionnel, l’arbitrage nécessite l’observation de règles éthiques ou mieux, de bonnes pratiques de la part des intervenants dans le processus arbitral, que sont les parties, les arbitres et les institutions d’arbitrage. La formulation du sujet qul nous a été communiqué dans le cadre du présent séminaire suggère d’explorer la manière dont les arbitres et les parties (l) de même que les institutions d’arbitrage (Il) obsep. ent les bonnes pratiques internationales. Le petit Larousse illustré, 1999, p. 815. Henry MOTULSKY in Ecrits, études et notes sur l’arb’trage, Dalloz 1974, p. 5. 3 Philippe BOUCHARD, L’arbitrage commercial international, Dalloz, 1965, ne 11. 4 Charles JARROSSON in La notion d’arbitrage, Bibliothèque du droit privé, LGDJ, 1987, p. 786. 5 Yves GIJYON in L’arbitrage, Economica-Droit poche, p. 10. 6 Ibidem. 2 Les parties, les arbitres et 13 atiques internationales une partie à le choisir.

Ainsi qu’on l’a opportunément observé, l’arbitre doit « être indépendant et impartial, faire fi de ses intérêts personnels. Il doit se trouver au- dessus de la mêlée, en dehors du conflit. Il tranche un conflit entre les parties, mais ne doit aucunement entrer en conflit avec l’une d’entre elles, préférer la thèse de l’une ou de l’autre parce qu’il y trouverait intérêt personnel ou professionnel, avantage quelconque. Il ne saurait être juge et parte, avoir un intérêt au lltige qu’il tranche ou à la solution qu’il arrête… ?7. L’arbitre doit donc éviter tout conflit d’intérêt dans l’accomplissement de sa mission, le conflit d’intérêt s’entendant ici de la situation dans laquelle les intérêts personnels de l’arbitre sont en opposition avec ceux dont il a la charge dans le cadre de a mission d’arbitre8, ou encore comme la situation dans laquelle une personne chargée de défendre ou de représenter ou de protéger les intérêts dautrui pourrait les trahir au profit d’un intérêt autre, le sien ou celui d’un tiers.

Comme le juge étatique, l’arbitre doit être indifférent au résultat de sa décision et éviter de faire prévaloir ses intérêts personnels sur ceux des parties dont il a la charge9. L’impartialité et l’indépendance constituent des qualités essentielles que l’arbitre doit observer10 ; d’où la nécessité pour ce dernier de révéler les circonstances qui sont usceptibles de créer dans l’esprit des parties un doute en ce qui concerne son indépendance et impartial qui concerne son indépendance et impartialité.

Daniel COHEN in « Indépendance des arbitres et conflits d’intérêts h, Revu arb. 2011, na 3, p. 615, no 7. Charles JARROSSON, « Ethique, déontologie et normes juridiques dans l’arbitrage in L’éthique dans l’arbitrage, B uylant, sous la direction de Guy KEIJTGEN, p. 12, na 26 ; adde JOëI MORET-BAILLY, Définir les conflits d’intérêts, D. 2011. 1100. 9 Daniel COHEN, op. cit. p. 617, no 12. 10 Béatrice CASTELLANE, « Comment vérifier l’indépendance de os arbitres publications ICC France, 2012, p. 9. 7 8 En tout état de cause, rimpartialité et l’indépendance de l’arbitre constituent des exigences universelles, qu’on retrouve dans un instrument international comme le Règlement d’arbitrage CNUDCI (version 2010). En effet, ledit Règlement énonce, dune part, que « lorsqu’une personne est pressentie pour être nommée en qualité d’arbitre, elle signale toutes circonstances de nature à soulever des doutes légitimes sur son impartialité ou sur son indépendance.

A partir de sa nomination et durant toute la procédure arbitrale, un arbitre signale sans arder lesdites circonstances aux parties, aux autres arbitres… Le même Règlement d’arbitrage CNUDCI précise, d’autre part, que « tout arbitre peut être récusé s’il existe nces de nature à soulever PAGF 13 et de l’impartialité de l’arbitre se retrouve dans des lois nationales et des Règlements d’arbltrage des centres d’arbitrage.

Comme exemples de textes nationaux relatifs à l’arbitrage, on mentionnera le droit français de l’arbitrage qui vise tant l’exigence de l’indépendance et de l’impartialité de l’arbitre13 que sa disponibilité au travers de la règle selon laquelle il dot poursuivre sa ission jusqu’à son terme14. On mentionnera également [‘Acte uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage, dont l’article 6 s’énonce comme suit : « La mission de l’arbitre ne peut être confiée qu’? une personne physique. arbitre doit avoir le plein exercice de ses droits civils, demeuré indépendant et impartial vis-à-vis des parties. ». L’article 7 dudit texte précise que « … si l’arbitre suppose en sa personne une cause de récusation, il doit en informer les parties et ne peut accepter sa mission qu’avec leur accord unanime et écrit… Au titre des Règlements des institutions d’arbitrage, on entionnera le Règlement d’arbitrage CCI de 2012, qui exige que l’arbitre soit impartial et indépendant 15, le Article 11 du Règlement d’arbitrage CNUDCI.

Article 12 al 1 du Règlement d’arbitrage CNUDCI. 13 Article 1456 du Code de procédure civile français. 14 Article 1457 du Code de procédure civlle français. 15 Article 1401 du Règlement d’arbitrage CCI. 12 4 PAGF s 3 parties puis être disponible (puisque le texte précise qu’il doit poursuivre sa mission d’arbitre jusqu’à son terme)16, ou encore le Règlement d’arbitrage du CIRDI qui, lui aussi, exige en son article 6 que l’arbitre soit indépendant.

En vue de contribuer à solutionner les problèmes liés à la multiplication des questions de conflits d’intérêt en matière d’arbitrage, le Comité de l’arbitrage et des Modes Alternatifs de Résolution des Conflits de l’International Bar Association (IBA) a mis en place un Groupe de travail chargé d’examiner les lois et jurisprudences nationales relatives à l’arbitrage, de même que les Règlements d’arbitrage des différentes Institutions d’arbitrage afin d’en dégager les meilleures pratiques dans l’arbitrage international.

A l’issue du travail du Groupe sus-évoqué, des lignes directrices e l’IBA sur les conflits d’intérêt ont été approuvées le 22 mai 2004 par le Conseil de l’IBA17. Au nombre de ces lignes directrices IBA18 révélant les meilleures pratiques dans l’arbitrage international, figurent la nécessité pour l’arbitre d’être impartial et indépendant, de même que celle d’éviter les conflits d’intérêt dans le cadre de leur mission de juger les contestations qui leurs sont soumises19. Les juridictions étatiques veillent au respect de ces bonnes pratiques par les arbitres et les parties qui les nomment.

A cet égard il convient de relever que la Cour de Cassation française laisse à la libre appréciation des juges les circonstances de nature ? caractériser le manque d’i reproché à un arbitre caractériser le manque d’indépendance reproché à un arbitre d’autant qu’il s’agit des questlons de pur fait20. Tout en étant rigoureuse sur le contrôle de l’absence de conflit dintérët chez l’arbitre et de son indépendance puis de son impartialité, la jurisprudence veille également à rester réaliste dans l’appréciation du respect des bonnes pratiques en matière d’arbitrage international. Article 4. 1 du Règlement d’arbltrage CCJA.

Les lignes directrices de l’IBA sont consultables à l’adresse internet : www. ibanet. org. 18 Un auteur conçoit ces lignes directrices IBA comme une solution partielle à la prévention tant des conflits d’intérêts que du défaut d’indépendance et d’impartialité de l’arbitre. Voir Daniel COHEN, op. cit. no 57, p. 641 et note 115. 19 Voire partie 1 desdites lignes directrices comprenant les règles générales relatives à l’impartlalité, à l’indépendance et à la divulgation 20 Jean-Pierre ANCEL « l’Ethique dans l’arbitrage vue par les Juges », in L’éthique dans l’arbitrage, sous la direction de Guy

KEIJTGEN, op. cit. Page 141, avec les citations jurisprudentielles sur la question. 16 17 C’est ainsi que dans l’arrêt Société Neoelectra Groupe SA contre Société ecso EURL du IO octobre 2012 21 la Cour de Cassation française a cassé l’arrêt par lequel la 7 3 précédemment eus avec l’une des parties au litige, sans indiquer en quoi cette violation par rarbitre de son devoir de révélation était de nature à provoquer dans l’esprlt des parties un doute raisonnable quant à l’impartialité et à l’indépendance de cet arbitre.

Les attendus principaux de cet important arrêt de la Cour de Cassation sont les suivants : « Attendu que, pour dire que M. I. a privé la Société Tecso de Pexercice de son droit de récusation en ne révélant pas qu’il avait eu des liens d’intérêt avec le Cabinet d’avocats Y. dont le conseil de la Société Neoelectra Group était collaborateur et annuler la sentence arbitrale, l’arrêt retient en premier lieu que M. l. n’a pas révélé qu’il avait été « of counsel » de février 1989 à octobre 2000 dans le Cabinet d’avocats Y. t, en second lieu, que depuis l’année 2000, il lui avait donné des consultations juridiques à deux ou trois reprises ; Attendu qu’en se déterminant par ces seuls motifs sans expliquer en quoi ces éléments étaient de nature à provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable quant à l’impartialité de M. l. et à son indépendance, la Cour d’AppeI n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure d’exercer son contrôle sur la décision en violation du texte susvisé A la suite de quoi, la Cour de Cassation a cassé l’arrêt querellé de la Cour d’appe de Paris.

Il résulte de ces attendus, d’une part, que les juges du fond devront désormais « exieer de la partie recou pporte la preuve de ce apporte la preuve de ce que les éléments non évélés ont réellement été de nature à provoquer chez elle un doute raisonnable quant ? l’impartlalité ou l’indépendance de Parbitre » 22. D’autre part, cet arrêt oblige la partie qui introduit un recours en annulation de la sentence arbitrale ou en récusation d’un arbitre à faire dans son recours la démonstration que la violation de son devoir de révélation par l’arbitre mis en cause a eu Cass.

Civ. Première 10 octobre 2012 reproduit à la revue de l’arbitrage 2013 no 1 page 130 et suivant avec une note de Charles JARROSSON. 22 Charles JARROSSON, note sous Cass. Civ- Première 10 octobre 2012 Cité à la note 20. 1 6 pour effet de lui cacher des éléments susceptibles de susciter dans son esprit un doute raisonnable sur l’impartialité et l’indépendance dudit arbitre.

Ainsi, et comme on ra opportunément relevé, cette solution dégagée par la Cour de Cassation « devrait à l’avenir éviter les recours fondés sur les motifs futiles (tutoiement d’un arbitre, amitié sur facebook, assistance ou participation au même colloque, contributions dans la même revue juridique, et autres fantaisies de la même eau » l’arbitre n’étant pas, après tout, obligé de raconter sa vie parce qu’il est tenu d’une obligation de révélation. Autrement dit, le fait pour des arbitres et pour les conseils des parties d’appartenir saurait constituer des sources de conflits d’intérêt ou même des éléments susceptibles d’affecter l’indépendance ou l’impartialité d’un arbitre et ne nécessite pas d’être révélé. Il apparait des développements qui précèdent, et relativement aux arbitres, que l’évitement des conflits d’intérêt, leur disponibilité, leur indépendance et impartialité constituent quelques bonnes pratiques internationales qu’ils sont tenus d’observer.

En ce qui concerne les parties elles-mêmes, il est dorénavant de onne pratique, qu’elles ne se bornent pas à révéler que la violation par un arbitre de son obligation de révélation les a empêchées d’exercer leur droit de récusation ? l’encontre dudit arbitre, mais de faire la démonstration que cette violation de l’obligation de révélation a eu pour effet de les empêcher d’avoir connaissance de circonstances susceptibles de provoquer chez elles un doute raisonnable sur Fimpartialité ou l’indépendance dudit arbitre.

Outre les parties et les arbitres, les Institutions d’arbitrage sont également tenues de veiller au respect des bonnes pratiques en matière 23 Ibidem