Ballade des pendus

Ce discours original prend la forme de la ballade, forme fixe traditionnelle de la poésie médiévale = poème composé de trois strophes carrées suivies d’un envoi, c’est-à-dire d’une adresse au dédicataire – le dernier vers de chaque strophe constituant le refrain. • Problématique : En quoi le discours lyrique se double-t-il ici d’une réflexion sur la mort ? • Axes d’étude l. Une ballade pour une « danse macabre  » . La situation d’énonciation : un discours d’outre-tombe 2. Une représentation réaliste et concrète de la mort 3.

L’évocation grotesque et pathétique de corps livrés à la nature Un discours à portée morale et religieuse 1. Une supplique aux vivants : l’appel à la pitié Un poème inscrit dans le christianisme médiéval 2. Un message à portée universelle : « Memento mori » 3. Une ballade pour une « danse macabre  » 1. La situation d’énonciation : un discours d’outre-tombe L’énonciateur apparaît comme le porte-parole des morts, comme Hindique l’emploi du pronom personnel de 1ère personne « nous » tout au long du poème : le poème s’apparente ainsi à un discours d’outre-tombe ou à une prosopopée où s’exprime la voix des pendus. N. B. La prosopopée = figure du style qui consiste à faire parler un mort, un animal, une chose personnifiée, une abstraction. ) La singularité de ce système énonciatif est renforcée par la forme de synecdoque du vers 8 où les « os » des cadavres parlent de leur propre décomposition. e jeu des temps verbaux explicitent la situation : — Le vers 5, au présent d’énonciation « Vous nous voyez attachés, cinq, six » montre les cadavres encore exposés au gibet, tandis que le passé composé des vers 21-24 et l’adverbe de temps « piéça »indiquent que les corps sont déjà dans un état avancé de écomposition.

Les vers 12-13, au passé simple, donnent la cause de cette situation : les pendus ont été condamnés à mort pour leurs crimes : « quoique fûmes occis/ 2 de cette situation : les pendus ont été condamnés à mort pour leurs crimes : « quoique fûmes occis/ par justice. » Le discours des pendus présente un double destinataire : Les vivants, désignés dès le 1er vers par l’apostrophe « Frères humains, qui après nous vivez » – interpellation renouvelée dans l’envoi par le nom « Hommes » (v. 4) — « Prince Jésus », destinataire second interpellé dans l’envoi. 2. ne représentation réaliste et concrète de la mort Si la vision de corps se balançant au gibet peut apparaître insoutenable au lecteur moderne, il s’agit d’un spectacle familier au Moyen Âge, où l’exposition publique des suppliciés est en quelque sorte constitutive de la peine. • L’image que Villon donne des corps est celle d’une dégradation continue à travers le lexique de la décomposition: C’est d’abord « la chair » (v. ) qui est mentionnée dans la 1ère strophe. Sa décomposition est mise en exergue par l’antithèse entre l’état antérieur marqué par l’opulence « trop nourrie » t l’état présent caractérisé par l’altération : « piéça dévorée et pourrie Après la chair, ce sont les « os éléments du corps qui évoquent déjà par eux-mêmes la mort – qui parlent du processus de dégradation conduisant au néant: « Et nous, les os, devenons cendre et poudre » (v. ) Dans la 3ème strophe, ce sont les éléments du visage, manifestation même de l’humain dans ce qu’il a de plus individuel, qui sont dégradés : « Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés, / Et arrachés la barbe et les sourcils. » (v. 23-24) Cette représentation de la mort dans ses aspects les plus oncrets est d’autant plus 3 23-24) concrets est d’autant plus saisissante que le poète a recours un lexique connotant la violence (« dévorée » (v. 7), « cavés » (v. 3), « arrachés ») et à des procédés d’insistance tels que l’emploi répété du préfixe privatif dé- (« dévorée « débués » « desséchés b) ou l’assonance en [e] créée par l’accumulation de participes passés (cf. v. 21-24). • Dans la description qu’en fait le poète à la strophe 3, les corps des pendus apparaissent entièrement soumis aux éléments de la nature. Ceux-ci occupent en effet la fonction de suet, tandis que le pronom « nous » désignant les pendus est placé en complément d’objet.

Le parallélisme antithétique des vers 21Q2 montre tout d’abord les corps comme les victimes impuissantes de tous les aléas du climat : « La pluie nous a débués et lavés, / Et le soleil desséchés et noircis » — Puis ils deviennent la pâture d’oiseaux charognards : « Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés… » La comparaison triviale du vers 28 ( « Plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre prolonge cette évocation dans un effet grotesque. Ce grotesque est aussi créé par l’évocation de « la danse » des pendus, précédée d’un trait d’humour noir : « Jamais nul temps nous ne sommes assis » (v. 5) Le mouvement de va-et-vient des corps que le vent balance au bout de leur corde, est suggéré par la variété rythmique des décasyllabes aux vers 26 (2/2/6) et 27 ( 4/3/3) : « Puis Çà,’ puis là,/comme le vent varie, A son plaisir/ sans cesser/ nous char 4 4/3/3) : « puis çà,/ puis là,/comme le vent varie, A son plaisir/ sans cesser/ nous charrie » — Les allitérations en [v] et [s] de ces mêmes vers renforcent ncore le pouvoir suggestif de cette évocation.

Le réalisme macabre produit ici un effet pathétique dans la mesure où il expose crûment l’impuissance de Ihomme réduit l’état de corps outragé. Il. Un discours à portée morale et religieuse 1. une supplique aux vivants : l’appel à la pitié Le poème se présente sous la forme d’une supplique, ce que souligne remploi du mode impératif ( N’ayez (v. 2), « priez » (vers constituant le refrain) « « Excusez-nous » 5) , et du subjonctif de souhait ( « personne ne s’en rie » (v. 9), « âme ne nous harie » (v. )). • L’objet de la supplique adressée aux vivants est double : Appel à la pitié et à la clémence, contre la crainte du rejet – sous la forme du mépris ou de la moquerie – qu’exprime le lexique affectif et moral utilisé dans des phrases négatives : « N’ayez les cœurs contre nous endurcis » (v. 2), « De notre mal personne ne s’en rie » (vs), « pas n’en devez / Avoir dédain » (v. 11-12), « âme ne nous harie » (v. 19)). Demande d’intercession auprès de Dieu afin d’obtenir l’absolution : cf. efrain qui crée un rythme incantatoire propre la prière. Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! • Cette supplique est appuyée par le recours à Fargumentation : Aux vers 3 et 4, les morts font entrevoir aux vivants un bénéfice à leurs prières, c’est-à-dire leur propre salut au regard de Dieu : « Car si pitié de nou z/ Dieu en aura plus tôt S salut au regard de Dieu : « Car SI pitié de nous pauvres avez.