scenario

Eugène Ionesco Rhinocéros — Acte Ill Dudard vient rendre visite à Béranger souffrant. Il réprimande sa faiblesse pour la boisson, il suggère que le manque de volonté dans ce domaine peut faciliter la rhinocérisation de Bélanger. Bélanger vit une attaque de panique. Dudard tente de le rassurer. DU DARD. – Je plaisantais, Béranger, voyons. Je vous taquinais. Vous voyez tout en noir, vous allez devenir neurasthénique, attention. Lorsque vous serez tout à fait rétabli de votre choc, de votre dépression, et ça ira mieux, vous all BÉRANGER. – Sortir? ais certainement en DUDARD. – Et alors ? Swape not page prendre un peu d’air, es s’évanouiront. nde ce moment. Je e vous mettre sur votre passage. Ils ne sont pas tellement nombreux d’ailleurs. BÉRANGER. – Je ne vois qu’eux. Vous allez dire que c’est morbide de ma part. DUDARD. – Ils ne vous attaquent pas. Si on les laisse tranquilles, ils vous Ignorent. Dans le fond, ils ne sont pas méchants. Ily a même chez eux une certaine innocence naturelle, oui ; de la candeur. D’ailleurs, j’ai parcouru moi-même, à pied, toute l’avenue pour venir chez vous.

Vous voyez, je suis sain et sauf, je n’ai eu ucun ennui. BÉRANGER. – Rien qu’à les voir, ça me bouleverse. C’est nerveux. Ça ne me met pas en colère, ça peut mener loin, la colère, je m’en pr Sv. ‘ipe to préserve, mais cela me fait quelque chose là (il montre son cœur), cela me serre le cœur. DU DARD. — Jusqu’à un certain point, vous avez raison d’être impressionné. Vous Fêtes trop, cependant. Vous manquez d’humour, c’est votre défaut, vous manquez d’humour. Il faut prendre les choses à la légère, avec détachement. BÉRANGER. -Je me sens solidaire de tout ce qui arrive.

Je prends art, je ne peux pas rester indifférent. DUDARD. – Ne jugez pas les autres, si vous ne voulez pas être jugé. Et puis si on se faisait des soucis pour tout ce qui se passe, on ne pourrait plus vivre. BÉRANGER. – Si cela s’était passé ailleurs, dans un autre pays et qu’on eût appris cela par les journaux, on pourrait discuter paisiblement de la chose, étudier la question sur toutes ses faces, en tirer objectivement des conclusions. On organiserait des débats académiques, on ferait venir des savants, des écrivains, des hommes de loi, des femmes savantes, des rtistes.

Des hommes de la rue aussi, ce serait intéressant, passionnant, instructif. Mais quand vous êtes pris vous-même dans l’événement, quand vous êtes mis tout à coup devant la réalité brutale des faits, on ne peut pas ne pas se sentir concerné directement, on est trop violemment surpris pour garder tout son sang froid. Moi, je suis surpris, je suis surpris, je suis surpris ! Je n’en reviens pas. DUDARD. – MOI aussi, j’ai été surpris, comme vous. Ou plutôt je l’étais. Je commence déjà à m’habituer. BÉRANGER. – Vous avez un système nerveu 2

Scenario

Eugène Ionesco Rhinocéros — Acte Ill Dudard vient rendre visite à Béranger souffrant. Il réprimande sa faiblesse pour la boisson, il suggère que le manque de volonté dans ce domaine peut faciliter la rhinocérisation de Bélanger. Bélanger vit une attaque de panique. Dudard tente de le rassurer. DU DARD. – Je plaisantais, Béranger, voyons. Je vous taquinais. Vous voyez tout en noir, vous allez devenir neurasthénique, attention. Lorsque vous serez tout à fait rétabli de votre choc, de votre dépression, et ça ira mieux, vous all BÉRANGER. – Sortir? ais certainement en DUDARD. – Et alors ? ‘Vipe not page prendre un peu d’air, es s’évanouiront. nde ce moment. Je e vous mettre sur votre passage. Ils ne sont pas tellement nombreux d’ailleurs. BÉRANGER. – Je ne vois qu’eux. Vous allez dire que c’est morbide de ma part. DUDARD. – Ils ne vous attaquent pas. Si on les laisse tranquilles, ils vous Ignorent. Dans le fond, ils ne sont pas méchants. Ily a même chez eux une certaine innocence naturelle, oui ; de la candeur. D’ailleurs, j’ai parcouru moi-même, à pied, toute l’avenue pour venir chez vous.

Vous voyez, je suis sain et sauf, je n’ai eu ucun ennui. BÉRANGER. – Rien qu’à les voir, ça me bouleverse. C’est nerveux. Ça ne me met pas en colère, ça peut mener loin, la colère, je m’en pr Sv. ‘ipe to préserve, mais cela me fait quelque chose là (il montre son cœur), cela me serre le cœur. DU DARD. — Jusqu’à un certain point, vous avez raison d’être impressionné. Vous Fêtes trop, cependant. Vous manquez d’humour, c’est votre défaut, vous manquez d’humour. Il faut prendre les choses à la légère, avec détachement. BÉRANGER. -Je me sens solidaire de tout ce qui arrive.

Je prends art, je ne peux pas rester indifférent. DUDARD. – Ne jugez pas les autres, si vous ne voulez pas être jugé. Et puis si on se faisait des soucis pour tout ce qui se passe, on ne pourrait plus vivre. BÉRANGER. – Si cela s’était passé ailleurs, dans un autre pays et qu’on eût appris cela par les journaux, on pourrait discuter paisiblement de la chose, étudier la question sur toutes ses faces, en tirer objectivement des conclusions. On organiserait des débats académiques, on ferait venir des savants, des écrivains, des hommes de loi, des femmes savantes, des rtistes.

Des hommes de la rue aussi, ce serait intéressant, passionnant, instructif. Mais quand vous êtes pris vous-même dans l’événement, quand vous êtes mis tout à coup devant la réalité brutale des faits, on ne peut pas ne pas se sentir concerné directement, on est trop violemment surpris pour garder tout son sang froid. Moi, je suis surpris, je suis surpris, je suis surpris ! Je n’en reviens pas. DUDARD. – MOI aussi, j’ai été surpris, comme vous. Ou plutôt je l’étais. Je commence déjà à m’habituer. BÉRANGER. – Vous avez un système nerveu 2